Systèmes - La globalisation, le droit et l'État - 3e - 142

La globalisation, le droit et l'État

différentes autorités étatiques, peut être conçue comme constituant rien
moins qu'un Empire du Droit »2.
Cette idée peut être traduite autrement. Nos sociétés sont imbriquées
les unes dans les autres par l'effet de liens économiques, culturels,
sociaux... de plus en plus serrés. Sur ces liens, les pouvoirs politiques
n'exercent qu'un contrôle limité. C'est donc peut-être largement par le
droit, et non par les rapports de force, les jeux de puissance, que se régule
le système que ces liens composent.
La vision est recevable dans la mesure suivante.
1º. Il est sans doute vrai que, dans l'univers de la globalisation, c'est une
part croissante des relations sociales qui se trouve régulée par le droit.
Est probablement en jeu, dans les rouages de la globalisation, un processus de juridicisation des rapports sociaux apparenté à celui que l'on voit
se produire dans les sphères internes traditionnelles. De même que, sur le
plan interne, le droit apparaît de plus en plus comme une indispensable
puissance modératrice de la démocratie3, il apparaît sans doute, dans la
globalisation, comme un substitut fréquemment utile aux purs affrontements économiques et politiques.
Prosaïquement, la réalité des rapports induits par la globalisation induit
parfois la recherche naturelle du mécanisme juridique. Comme le fait
remarquer Martin Shapiro4, les rapports commerciaux de longue distance
peuvent difficilement être régulés autrement que par le droit. À cela s'ajoute
le fait qu'un certain nombre d'acteurs de la globalisation se méfient de
l'intervention politique, et vont alors préférer susciter une organisation juridique des rapports dans lesquels ils sont inscrits.
Cela est vrai dans le domaine économique : que l'on songe à l'exemple
des marchés financiers, que nous avons rencontré5. Mais cela est vrai aussi
dans le domaine des droits fondamentaux, dans lequel, fréquemment, les
ONG vont chercher, en somme, à déborder les gouvernements par le droit :
le droit est l'instrument principal d'action de la « société civile globale »6.
Cela trouve sa traduction, notamment, dans la multiplication des rouages et mécanismes de caractère juridictionnel ou parajuridictionnel7.
2. Jarrod WIENER, Globalization and the Harmonization of Law, précité, p. 190 : "the regulation of
transnational communities of civil society actors engaged in particular practices governed
by more or less undifferentiated laws administered by different state authorities can be
conceived as no less than an Empire of Law".
3. Par ex. : Pierre BOURETZ (dir.), La force du droit. Panorama des débats contemporains, Éditions
Esprit, 1991, p. 11 et s.
4. "The Globalization of Law", Indiana Journal of Global Legal Studies 1993, nº 1.
5. Supra nº 27. Et : Klaus FICK, "Third Culture versus Regulators: Cross-Border Legal Relations of Banks", in Volkam GESSNER and Ali CEM BUDAK, Emerging Legal Certainty: Empirical
Studies on the Globalization of Law, précité, p. 93.
6. Richard FALK, Law in an Emerging Global Village. A Post-Westphalian Perspective, Transnational Publishers Inc., 1998.
7. José E. ALVAREZ, "The New Dispute Settlers: (Half) Truths and Consequences", Texas International Law Journal 2003, nº 38, p. 405.

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