Systèmes - La globalisation, le droit et l'État - 3e - 194

La globalisation, le droit et l'État

en tous les cas dans certaines hypothèses où elle est gravement menacée.
Comme nous l'avons signalé, à deux reprises, la communauté internationale a réagi vigoureusement à des coups d'État militaires - en Haïti en
1994, au Sierra Léone, en 1998. L'ONU tend à considérer que le droit à la
démocratie est implicitement consacré par les grands textes de protection
des droits fondamentaux, au travers du droit à la participation politique43.
Corrélativement, comme on l'a relevé, c'est à des questions de droit
interne - classiquement considérées comme telles, tout au moins - que le
droit international public étend son champ de préoccupations, dans la
mesure où il s'intéresse à la fois au sort des individus et groupes privés, et
au caractère démocratique des régimes. Son objet est alors de droit fiscal,
pénal, social..., voire constitutionnel44.
2º. Dans le même temps et le même mouvement, c'est la sphère des
sujets, des destinataires du droit international public qui se transforme. Il
est presque aujourd'hui banal de dire - encore faut-il mesurer toute la portée de la chose - que le droit international public ne s'adresse plus exclusivement aux États et aux organisations internationales. De plus en plus, il
s'adresse aux individus, aux organisations privées, aux entreprises, aux collectivités subétatiques...
De plus en plus, ces derniers reçoivent de lui des droits dont ils sont
immédiatement titulaires, et qu'ils peuvent mettre en œuvre eux-mêmes.
Le phénomène est évident dans le domaine des droits de l'homme ; mais
nous avons vu qu'il est également perceptible dans le domaine économique.
Il apparaît d'ailleurs que le contentieux économique international met de
moins en moins en scène uniquement les États. Il en va même ainsi,
semble-t-il, dans des cas où formellement ce sont eux qui demeurent
concernés : dans le fonctionnement communautaire, par exemple, le
recours en manquement, qui théoriquement n'implique que les États membres et les organes de l'Union, paraît de plus en plus souvent suscité par
des entreprises. On peut le dire de façon imagée en disant que le droit international devient de plus en plus public au sens d'« ouvert au public ».
3º. Une transformation de la nature même de ce droit n'est-elle pas en
train de se produire ?
Dans quelle direction, ou quelles directions ? Question redoutable, à propos de laquelle voici seulement deux indications de tendance, étant suggéré
aussi que la situation d'aujourd'hui est une combinaison du droit classique
et de ce qui se greffe sur lui. Ce n'est pas de basculement accompli qu'il est
question, mais de coexistence d'un modèle ancien et d'un modèle nouveau.

43. V. Gregory H. FOX and Brad R. ROTH (ed.), Democratic governance and international law, précité : notamment, l'introduction.
44. V. Slim LAGHMANI, « Droit international et droits internes : vers un renouveau du jus gentium ? », in Rafaâ BEN ACHOUR et Slim LAGHMANI (dir.), Droit international et droit interne. Développements récents, précité, p. 23.

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