Systèmes - La globalisation, le droit et l'État - 3e - 233

Le droit global comme instrument pour des temps nouveaux

d'application se définit par un territoire ou une pluralité de territoires : les
difficultés que le droit français a rencontrées lorsqu'il s'est agi de faire
interdire des sites nazis hébergés par Yahoo ou d'empêcher les activités
illégales de Uber l'ont assez bien démontré.
Ce phénomène se double d'un autre qui consiste dans le développement
des situations d'application extraterritoriale de certaines normes25. Le meilleur exemple qui puisse en être donné est celui de l'application des règles
- américaines ou européennes - de concurrence à des opérations, par
exemple de concentration, survenant en dehors du champ d'application territorial de ces règles. Cette application extraterritoriale s'expliquant,
comme on sait, par le fait que les opérations en question ont des conséquences sur l'autre continent. On pourrait évoquer également ici le mécanisme de la compétence universelle en application duquel les juridictions
d'un État vont accepter de juger certains crimes graves qui n'ont pourtant
aucunement été commis sur le territoire de cet État26.
Comme on l'a vu, ces signes de « déterritorialisation » du droit doivent
être compensés par l'observation de ce que le droit global, en vérité, construit ses propres territorialisations. Par exemple, si le droit international
contemporain de l'environnement ignore souvent les territoires nationaux
- parce qu'ils ne sont pas pertinents au regard de tel ou tel enjeu -, c'est
pour bâtir ses propres territorialisations : la Méditerranée, les espaces arctiques, etc. Songeons également à cette forme de complicité entre le droit
global et certains territoires locaux que met en évidence l'idée de « glocalisation » évoquée ci-avant27.
Il est certain que le lien entre le droit et les communautés sociales, si
important pour que le premier soit perçu comme légitime et donc pour qu'il
soit effectivement appliqué, tend à se distendre dans le monde en voie de
globalisation. Les règles qui nous sont applicables ont de plus en plus souvent une provenance externe : il arrive que nous ne le sachions pas ; quand
nous savons qu'elles ne sont pas d'origine nationale, nous ne savons pas
nécessairement d'où elles viennent ; et quand nous savons d'où elles viennent, nous voyons volontiers leurs émetteurs comme lointains et peu démocratiques - c'est la malédiction qui pèse sur les normes européennes28.
À cela s'ajoute le fait que la globalisation en quelque sorte fluidifie les
communautés sociales en permettant voire encourageant les mobilités :
celles, notamment, que le développement rapide des moyens de transport
internationaux rend plus faciles, celles, aussi, que provoque le déplacement
25. V. supra nº 17.
26. Ana PEYRO LLOPIS, La compétence universelle en matière de crimes contre l'humanité, Bruylant, 2003.
27. V. supra nº 34, 60.
28. Grainne DE BURCA, Dimitry KOCHENOV and Andrew WILLIAM, Debating Europe's Justice Deficit.
The EU, Swabian Housewives, Rawls and Ryanair, European University Institute, Working
Paper Law 2013/11.

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