Grands Colloques - Le fichier - 124

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FICher PoUr SUrVeILLer eT PUNIr

par la Cour européenne des droits de l'homme à propos du fichier des
empreintes digitales et du fichier de la police nationale (à l'époque le STIC)9,
en raison notamment des difficultés liées à la procédure d'effacement des
données et du risque d'atteinte à la présomption d'innocence.
Avec un tel champ d'application, ficher ne serait donc pas punir,
prononcer une peine au sens du droit pénal (même si l'activité de fichage
peut servir ensuite à la punition de l'auteur). La punition ne serait qu'un
objectif de moyen ou de long terme et non une caractéristique de l'essence
de l'opération.
Cette qualification de peine écartée, la nature juridique du fichier demeure
ambiguë, et ce, pour deux raisons principales. D'une part, d'un point de vue
matériel, il existe un très grand nombre de fichiers qui interviennent à des
stades différents de la procédure et selon des modalités diverses10. Comment
alors prétendre les réunir sous une nature juridique commune ? Pour ne citer
que les plus connus, sont aujourd'hui en application les fichiers suivants11 :
fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAeG) ; fichier
automatisé des empreintes digitales (FAeD) ; fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes (FIJAIS) ; fichiers
automatisés de la police nationale (STIC, système de traitement des infractions constatées) et de la gendarmerie nationale (Judex, système judiciaire
de traitement et d'exploitation)12 ; fichier des véhicules volés (FVV) ; fichier
national des immatriculations (FNI) ; fichier des personnes recherchées
(FPr) ; système d'information Shengen, etc. D'autre part, d'un point de
vue plus juridique, la nature du fichier est d'autant plus difficile à cerner que
l'opération paraît révéler une confusion entre les missions de police administrative (centrées sur la protection de l'ordre public) et celles de la police
judiciaire (tournées vers l'arrestation des auteurs d'infractions)13. Dans tous
les cas, l'esprit est en effet le même. Il s'agit de prévenir la commission d'une
nouvelle infraction et donc d'un trouble à l'ordre public. Sur le plan des
qualifications pénales, on glisse de la peine vers la mesure de sûreté.
9. V. CeDh, 18 avr. 2013, n° 19522/09, M. K. c/ France, RSC 2013, p. 666 et s., obs.
roets D. et CeDh, 18 sept. 2014, n° 21010/10, Brunet c/ France, AJ pénal, 2014, p. 539,
obs. roussel G. et Procédures 2014, comm. 306, obs. chavent-leclère A.-S.
10. gautron V., Rép. pén., v° Fichiers de police, avr. 2015.
11. Pradel J., Procédure pénale, 18e éd., Cujas, 2015, n° 459 et s. et desPortes F. et
lazerges-cousquer L., Procédure pénale, 3e éd., 2013, economica, n°s 2409 et s.
12. Désormais fusionnés en un fichier commun, le Traitement d'antécédents judiciaires
(TAJ).
13. Sur la question qui a, de nouveau, été discutée à propos de la loi sur le renseignement,
v. not. granger M.-A., « La distinction police administrative/police judiciaire au sein de
la jurisprudence du Conseil constitutionnel », RSC 2011, p. 789 et s. et Bédarrides e.,
« Des écoutes au renseignement : un exemple de distinction entre les polices judiciaire et
administrative », AJDA 2015, p. 2026 et s.
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