Grands Colloques - Le fichier - 45

LeS FIChIerS DeS SerVICeS De reNSeIGNeMeNT

D'autre part, le contrôle des fichiers propres des services de renseignement est assuré par le juge administratif, clairement influencé par la
jurisprudence de la CeDh. L'affaire qui instaure ce contrôle concerne le
fichier CrISTINA, alors fichier de la direction centrale du renseignement
intérieur (DCrI, aujourd'hui transformée en DGSI). Un collectif d'associations attaque le décret portant création du fichier CrISTINA et le décret
du 27 juin 2008 qui le dispense de publication. Le Conseil d'État qualifie
ces décrets de « connexe ».
Dans un arrêt du 31 juillet 2009, Association Aides et autres18, le Conseil
d'État rend une décision avant dire droit, pour requérir un supplément
d'instruction. Cependant, cette première décision est essentielle car elle
admet le principe d'un contrôle du juge administratif sur un acte réglementaire non publié. Dans un premier temps, le juge reconnaît la possibilité
de ne pas publier un acte, puisqu'il en consacre la conséquence, à savoir
l'absence de communication au demandeur, pour préserver les effets de la
non-publication. Dans un second temps, le juge énonce que l'absence de
communication d'un acte non publié ne s'applique pas à lui, dès lors que
cette communication est le seul moyen de trancher le litige. Dès lors, in fine,
le juge accepte de contrôler un fichier propre d'un service de renseignement.
Cette solution est un progrès manifeste par rapport au droit antérieur.
Auparavant, lorsqu'un acte contesté était couvert par le secret ou mettait
en cause des données intéressant la sûreté de l'État, la défense et la sécurité
publique, il appartenait à l'autorité administrative compétente de verser au
dossier de l'instruction écrite contradictoire tous éléments d'information
appropriés sur la nature des pièces écartées et les raisons de leur exclusion.
Il s'agissait de permettre au juge de se prononcer en connaissance de cause
sans porter, directement ou indirectement, atteinte aux secrets garantis par
la loi ou imposés par des considérations tenant à la sûreté de l'État, à la
défense et à la sécurité publique. Autrement dit, le juge n'avait pas accès
aux pièces litigieuses, comme le requérant. Il statuait uniquement au vu
des pièces débattues de façon contradictoire19.
L'arrêt du 16 avril 2010, Association Aides et autres, tranche le litige et
affine les contours du contrôle du juge sur le fichier d'un service de renseignement20. en premier lieu, le juge contrôle la régularité de la dispense de
publication. Après avoir rappelé que la loi permet au pouvoir réglementaire
de dispenser de publication certains fichiers intéressant la sûreté de l'État,
la défense ou la sécurité publique, il vérifie et constate que le fichier de la
DCrI poursuit ces finalités et que les données recueillies sont pertinentes
18. Ce, 31 juill. 2009, n° 320196, Association Aides et autres.
19. Par exemple : Ce, Ass., 6 nov. 2002, n° 194295, Moon Sun Myung.
20. Ce, 16 avr. 2010, n° 320196, Association Aides et autres.

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