Bibliothèque d'histoire du droit et droit romain - Tome 31 - Le juriste entre science et politique - 157

À LA RECHERCHE D'UNE RÉNOVATION MÉTHODOLOGIQUE

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deux courants se réunissent dans une science juridique élargie. En attendant,
l'obscurantisme a produit la crise sociale actuelle, à laquelle il n'y a pas
d'autres remèdes que la popularisation du droit305.
294. L'auteur poursuit en proposant l'application d'une méthode fondée sur
l'union de la philosophie et de l'histoire, qui n'est pas encore le centre de notre
attention. Il faut remarquer ici d'une part la lutte entre juristes et représentants
des sciences sociales pour accéder au rôle envié de régulateurs de la société et
d'autre part, la réitération de l'idée d'absorption des sciences sociales dans la
science juridique. Cette dernière ne repousse pas les apports des sciences sociales,
mais lui refuse une quelconque autonomie : le juridisme prévaut donc306. Plusieurs auteurs manifestent une certaine inquiétude face à des ambitions considérées comme excessives307. En 1910, O. Petit loue certes un auteur d'avoir fait application de la méthode des sciences sociales, c'est-à-dire « l'observation des faits
pour en dégager des lois »308. L'approche nomothétique est donc approuvée, mais
il indique se méfier des tentations impérialistes de la sociologie. Il prend donc la
peine d'assortir la reconnaissance de ses mérites de mises en garde. Cette euphémisation traduit bien la position inconfortable de l'homme de droit face à une
hypothétique dilution de sa discipline et à une dissolution de son magistère.
295. Topiques sont également les propos suivants de Paul Guyot, au sujet de
l'ouvrage d'un auteur collaborant à la Revue Générale et dont les recherches
sociologiques ont eu quelque autorité, Raoul de la Grasserie : « si nous refusons
absolument à la sociologie la faculté d'absorber le droit en lui imposant sa terminologie et ses conceptions, nous n'écartons pas systématiquement toutes les recherches
sociologiques. Limitées à leur domaine, elles ont leur intérêt et leur utilité »309. Le
même auteur se fait virulent face à la thèse de l'absorption du droit par la sociologie et ajoute : « il serait déplorable pour le droit, que l'union entre le droit et la
sociologie arrive à se réaliser »310. On voit donc que ces juristes ne rejettent pas
sans autre forme de procès la sociologie mais lui dénient une autonomie, ou bien
s'élèvent contre sa tentation d'englober le droit.
296. Cette méfiance va perdurer comme les propos d'Henry Vizioz (1886-1928)
en témoignent en 1927. Le professeur bordelais de procédure civile, proche de Léon
Duguit dont on connaît la position favorable à la sociologie311, influencé qu'il fut
305. « Esquisse d'une histoire de la propriété foncière », Revue Générale, 1896, tome 20, p. 398.
306. À rapprocher de la démonstration de M. Xifaras sur « l'hégémonie du juridisme » chez Saleilles,
lequel entend, notamment face à la sociologie et à l'économie politique, « restituer la scientia civilis nourrie
de l'esprit du droit romain dans ses prérogatives de science architectonique de la société, et par suite de
science législative, au motif qu'elle est la seule à même de fournir une connaissance objective des faits en
cause, et donc à pouvoir rendre compte de la manière dont se pratiquent les lois dans la vie réelle et à déceler
les tendances législatives futures ». Cf. « La Veritas Juris... », op. cit., p. 119 et plus largement p. 114-122.
307. Pour un éclaircissement sur cette tentation chez Durkheim, cf. l'article de P. Ansart qui
montre que si le sociologue envisage effectivement le droit comme une science annexe à la sociologie,
ni sa réflexion ni sa pratique de recherches ne se réduisent à cette idée : « Durkheim : la sociologie et
la science politique », dans Droit et politique, op. cit., p. 261-268 spécialement p. 268.
308. O. Petit, compte rendu Leçons de philosophie sociale de Schwalm, op. cit., p. 468-469.
309. P. Guyot, compte rendu De l'objectif et du subjectif dans la société de R. de la Grasserie,
Revue Générale, 1912, tome 36, p. 451.
310. P. Guyot, compte rendu Essai d'une explication sociologique de l'origine du droit d'A. de
Maday, Revue Générale, 1912, tome 36, p. 379.
311. Le doyen bordelais consacre par exemple sa leçon d'ouverture faite à l'Université égyptienne
en 1926 à la méthode des sciences sociales. Il conçoit cette dernière de la manière suivante : « on a

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