Bibliothèque d'histoire du droit et droit romain - Tome 31 - Le juriste entre science et politique - 22

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LE JURISTE ENTRE SCIENCE ET POLITIQUE

les articles de la Revista general de legislacíon y jurisprudencia43 qui sont évoqués.
Des revues belges, suisses, danoises, polonaises, russes sont signalées. On comprend alors, au vu des ressources qu'elle devait mobiliser, que cette « revue des
périodiques » ait été relativement éphémère. Toutefois, cette rubrique ne saurait
être un baromètre fidèle de la véritable audience de ces périodiques au sein de
notre revue. Si les animateurs de la Revue Générale ont sans doute été des lecteurs
plus ou moins assidus de certains recueils, on ne retrouve pas de mobilisation
tangible de ces lectures dans leurs écrits : l'appareil critique accompagnant un
article renvoie rarement à une revue étrangère. Ce sont surtout les titres français
qui sont cités, avec le Journal des Économistes, la Revue critique de législation et de
jurisprudence44 et la Revue des deux mondes45 en tête. Cette carence formelle ne
doit cependant nullement accroire l'idée que la Revue Générale est un titre hermétique à toute influence étrangère, comme on tentera de le démontrer.
17. L'énumération dans chaque livraison de la revue de plusieurs dizaines
de périodiques français et étrangers, est une fenêtre ouverte sur une réalité plus
globale : la merveilleuse efflorescence au xixe siècle des périodiques, qui s'inscrit
dans le cadre plus vaste d'un essor de toute la presse46. La presse quotidienne
s'industrialise et se démocratise, à l'échelle mondiale, dans les deux premiers
tiers du siècle du fait notamment de l'élévation du niveau culturel des classes
moyennes et populaires, consécutive à la généralisation de l'instruction ; du fait
également de l'industrialisation des méthodes de fabrication qui abaisse le prix
de vente des journaux47. Toutefois, ce mouvement n'acquiert toute son amplitude qu'à partir de 1871, date à laquelle « le journal devient un produit de consommation courante »48. En France, la presse vit donc à la Belle Époque, un véritable
âge d'or et exerce au surplus une réelle influence, à laquelle elle n'osait prétendre
jusqu'alors49. À tel point d'ailleurs que le secteur de la presse quotidienne française n'est pas loin d'être saturé en 1914, à la différence des marchés anglais,
allemand ou américain.
18. Les explications de ce déploiement massif sur le territoire national sont multiples : à la persistance et à l'amplification des mêmes facteurs (instruction,
43. Cf. l'étude de F. Fernández-Crehuet López, « Revista de legislacion y jurisprudencia. Die
erste spanische Fachzeitschrift für Rechtsvergleichung ? », dans Juristische zeitschriften in Europa,
op. cit., p. 397-415.
44. Désormais dénommée Revue critique. Soulignons que la Revue critique agrège en 1853 la Revue
de législation et de jurisprudence fondée par Wolowski, et éditée par Durand, le beau-père de Thorin.
45. René de Kérallain écrit en 1906 qu'il lui semble être le seul catholique de sa connaissance à
être abonné à la Revue des deux mondes ; son concurrent, Le Correspondant, fédérant traditionnellement
davantage les catholiques conservateurs : « Lettre à sir Alfred Comyns Lyall, Quimper, 27-28 mars
1906 », op. cit., 362. Plusieurs thèses ont été dédiées à cette grande revue, véritable institution créée en
1829 par François Buloz et qui paraît toujours. On citera les travaux récents d'A. Karakatsoulis, La
Revue des Deux Mondes de 1920 à 1940 : Une revue française devant l'étranger, th. dactyl. histoire,
EHESS, 1995 et T. Loué, La Revue des Deux Mondes de Buloz à Brunetière : De la belle époque de la
revue à la revue de la Belle Époque, th. dactyl. histoire, Paris I, 1998.
46. Sur ce lieu commun, au sein d'une abondante bibliographie, on peut consulter le classique
Histoire générale de la presse française, C. Bellanger, J. Godechot, P. Guiral et al., tome 3, De 1871
à 1941, Paris, PUF, 1972, p. 239-405. Michel Winock pour sa part, situe « l'apogée de la culture écrite »
à la Belle Époque : cf. La Belle Époque : la France de 1900 à 1914, Paris, Perrin, 2002, p. 303-324.
47. Cf. l'ouvrage très utile, par sa vision synthétique et mondiale, Histoire de la presse de
P. Albert, 10e éd., Paris, PUF, 2003, p. 32-54.
48. Ibid., p. 55.
49. Ibid., p. 65-75. Sur le rôle de la presse à grand tirage dans la vie politique française, cf. également
G. Antonetti, Histoire contemporaine politique sociale, 9e éd., Paris, PUF, 2003, p. 367-368.
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