Grands Colloques - L'européanisation du droit - 121

FABIEN TERPAN

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le sens où leur appréciation dépend d'une négociation entre la Commission
et le gouvernement national. Dans le cas de la France, la négociation a
permis d'échapper aux sanctions et d'obtenir des délais pour la réalisation
des différents objectifs de maîtrise de la dépense publique.

B. La combinaison du juridique et du politique
dans les choix opérés par le pouvoir exécutif
Si le pouvoir exécutif est obligé de s'européaniser, du fait des contraintes
juridiques européennes et nationales qui pèsent sur lui, il conserve une
marge de manœuvre politique à la fois au stade de l'adoption de règles
européennes et à celui de leur exécution. Cette marge de manœuvre est plus
forte face au droit souple que face aux règlements, directives et décisions,
mais elle existe dans tous les cas, d'une part parce que la règle européenne
suppose une mise en œuvre nationale, source de différenciations entre les
États membres, d'autre part parce que l'exécutif peut toujours opter pour
une pratique non conforme à la règle européenne, au moins temporairement, tant qu'il n'est pas soumis à la contrainte du juge. La littérature
sur la transposition des directives met souvent l'accent sur le caractère
involontaire des pratiques illégales, lesquelles seraient principalement liées à
des problèmes de « management » ou d'organisation de l'action publique21.
D'autres travaux, néanmoins, montrent que la mauvaise application du
droit de l'Union européenne est aussi liée à des résistances volontaires de
la part des gouvernants, voire même qu'aucune forme de résistance n'est
véritablement involontaire22. Dans le cas de l'exécutif français, on observe
ce type d'attitudes à la fois dans des domaines de droit souple (voir par
exemple la gouvernance économique) et dans des domaines de droit dur
(voir par exemple les condamnations de la France en matière de pollution de
l'eau ou de politique de la pêche). L'européanisation s'accompagne toujours
de résistances. Cette observation est valable même dans le cas de l'exécutif
français dont on sait qu'il répugne à apparaître comme le « mauvais élève
de la classe » européenne23.

21. Gerda Falkner, Myriam Hartlapp et Oliver Treib, « Worlds of compliance : Why
leading approaches to European Union implementation are only "sometimes-true theories" », European Journal of Political Research, 2007, 46, p. 395-416.
22. Sabine Saurugger et Fabien Terpan, « Resisting New Modes of Governance through
Policy Instruments », Comparative European Politics, 2015 ; Sabine Saurugger et Fabien
Terpan, « Résister aux normes européennes : une histoire d'instruments », Quaderni, n° 80,
2013, p. 5-24.
23. Stéphanie Novak, La prise de décision au Conseil de l'Union européenne : pratiques
du vote et consensus, Dalloz, 2011.

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