Grands Colloques - L'européanisation du droit - 142

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L'EUROPÉANISATION DU PARLEMENT FRANçAIS

projet de traité portant statut de la Communauté [politique] européenne,
adopté par l'Assemblée ad hoc le 10 mars 1953, comportait déjà une
assemblée bicamérale : une Chambre des peuples élue au suffrage universel
direct et un Sénat composé de membres élus par les Parlements nationaux.
De plus, elle revient régulièrement sur le devant de la scène politique.
Ainsi, dans un article publié en 1994, Philippe Seguin, alors président
de l'Assemblée nationale, appelait à la mise en place de nouvelles institutions européennes au sein desquelles « les parlements nationaux et le
Parlement européen participeraient conjointement à l'élaboration de la
norme communautaire, dans les domaines ressortant des compétences législatives ». Dans un discours prononcé à l'université de Humboldt en 2000,
le ministre des Affaires étrangères allemand se positionnait également en
faveur d'un Parlement européen composé de deux chambres « dont une
serait composée de députés élus appartenant en même temps aux parlements nationaux ».
Pourtant, les diverses propositions en ce sens ont été rejetées lors des
discussions préalables à l'élaboration du traité établissant une Constitution
pour l'Europe. Même le projet d'instaurer une assemblée non législative
regroupant les Parlements nationaux afin de veiller au respect du principe de
subsidiarité n'a pas obtenu l'aval des négociateurs. Cette hostilité à l'égard
de la création d'une seconde chambre représentant les Parlements nationaux
à l'échelle européenne a des origines multiples : « le refus d'adopter un
modèle fédéral, la division quant à sa composition entre les tenants même
du modèle fédéral (chambre des régions ou chambre des États), le refus
d'envisager la construction européenne selon les critères d'organisation
et de fonctionnement de l'État-nation, l'absence de perspective constitutionnelle, auxquels s'ajoutent les critiques inhérentes à tout bicamérisme
(risque de double emploi et de complexité) dans un système déjà particulièrement illisible »56. En effet, cette « seconde chambre » composée
de représentants parlementaires nationaux pourrait tout aussi bien être
qualifiée de « troisième » chambre, compte tenu du rôle dévolu au Conseil
au sein du pouvoir législatif. Dès lors, la question se pose de savoir quelles
(autres) compétences pourraient être confiées à cette nouvelle chambre.
Elle se heurte aussi aux arguments du Comité des régions, lequel plaide
en faveur d'une chambre représentant les intérêts locaux, même si l'hétérogénéité de l'Union (et de ses États membres) dans ce domaine rend cette
perspective particulièrement hasardeuse. Enfin, à ces arguments s'ajoute la
crainte de renforcer encore le poids des États au sein du processus normatif

56. A. Delcamp, « Une seconde chambre européenne est-elle possible ? », Constitutions,
n° 3, 2010, p. 331.
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