Grands Colloques - L'européanisation du droit - 214

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L'EUROPÉANISATION DU JUGE JUDICIAIRE

de l'absence de précédent sur la question de la Cour de justice ou lorsque
les réponses données antérieurement par cette Cour ne lui ont pas apporté
les éclaircissements souhaités, ce qui démontre, de la part de la plus haute
juridiction française, le souci de faire du droit communautaire une application scrupuleuse.
Par ailleurs, la Cour de cassation est dans son rôle normatif lorsqu'elle
exerce sa propre responsabilité de juge communautaire. Afin de permettre
d'assurer le bénéfice effectif des droits et libertés garantis par les traités, elle
se trouve parfois investie, en tant que juge national, de la mission d'aménager son propre droit interne. Une telle mission, dont l'ampleur peut faire
hésiter les juges du fond, relève davantage de l'office de la Cour de cassation.
À titre d'exemple, on se référera, en particulier, à la question de la responsabilité de l'État pour violation du droit communautaire, dans le cas où
cette responsabilité est du ressort du juge judiciaire, s'agissant, notamment,
du dommage causé par une circulaire du ministre de la Justice prescrivant
des poursuites pénales sur le fondement de dispositions françaises venant
d'être déclarées incompatibles avec les règles européennes (Cass. com.,
21 février 1995, Bull. n° 52). On songera également à la question de la
répétition de l'indu fiscal ou douanier, puisqu'en obtenant devant le juge
national la restitution de taxes ou impôts nationaux incompatibles avec une
des normes issues des traités, la personne concernée obtient la réparation
du préjudice subi du fait de la violation, par l'État membre, de ses obligations communautaires. La Cour de justice ayant sur ces points renvoyé
à l'application des règles de procédure nationale, la Cour de cassation,
et spécialement la chambre commerciale de la Cour, s'est trouvée, avant
l'intervention du législateur sur certaines de ces questions, investie de
la mission d'aménager le droit français pour satisfaire à cette exigence
(voir, par exemple, 5 mars 1996, CJCE, Brasserie du Pêcheur). Il convient
d'observer que, dans de nombreuses affaires de répétition de l'indu fiscal
ou douanier, la chambre commerciale de la Cour de cassation - ce qui peut
être perturbant pour un juge national - a su faire fluctuer sa jurisprudence
en matière de remboursement de droits jugés contraires au droit communautaire pour la rendre conforme aux positions, elles-mêmes évolutives,
de la Cour de justice de l'Union.
Ainsi, selon le principe de la coopération ou de la collaboration entre
les juges, la Cour de cassation met-elle en œuvre le droit communautaire,
en citant d'ailleurs expressément dans ses arrêts les décisions de la Cour
de justice. D'un point de vue purement formel, cette façon de faire est à
remarquer, car elle ne correspond pas à la technique de rédaction habituelle
des arrêts, la Cour de cassation ne faisant d'habitude aucune référence à la
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