Grands Colloques - L'européanisation du droit - 230

224

CONCLUSION GÉNÉRALE

nationaux sanctionnant une violation du droit de l'Union9. On pourrait faire
la même démonstration, comme cela a été évoqué par certains au cours de
ce colloque, à propos de la place du respect de l'identité constitutionnelle
des États membres dans la jurisprudence de la Cour de justice10.
Il en est de même, par exemple, s'agissant de l'interprétation des exceptions à la libre circulation des marchandises ou à la libre circulation des
personnes, qu'elles soient prévues par les traités ou construites comme
exigences impératives ou impérieuses d'intérêt général. À cet égard, la jurisprudence relative aux jeux de hasard ou même au travail du dimanche est
très emblématique.
On serait également tenté de confirmer cette analyse à propos de
fameuses « notions autonomes », dont on a peu parlé au cours de ces deux
journées. Là encore, l'équilibre est subtil entre les exigences d'uniformité,
qui impliquent la primauté - parfois absolue - de la règle de l'Union, et le
souci de décentralisation normative, qui conduit au renvoi - plus ou moins
encadré - au droit interne des États membres, dès lors que l'application
effective du droit de l'Union n'impose pas une interprétation univoque et
laisse place aux règles et aux concepts du droit national11.
Cette analyse cursive permet d'aboutir à la conclusion suivante : loin
de pouvoir être appréhendé exclusivement en termes de primauté hiérarchique, le phénomène d'européanisation traduit en réalité une tension entre
l'immixtion du droit de l'Union dans les droits nationaux et le maintien
de l'autonomie des droits internes, tension dont l'intensité varie selon les
aspects envisagés et dont la solution est loin d'être univoque.
Un second et dernier constat s'impose. Le mouvement d'européanisation
est en réalité un mécanisme dialectique de « va-et-vient » entre l'instance
nationale et l'instance communautaire. Le droit européen n'intervient
pas comme un deus ex machina surgi de nulle part : il est le fruit d'une
production nationale des États membres, l'acculturation fonctionnant dans
les deux sens, comme l'a magnifiquement montré le chapitre de Nicole
Belloubet aussi bien que les contributions relatives à l'européanisation
9. CJUE, gde ch., 28 févr. 2012, Inter-Environnement Wallonie ASBL, Terre wallonne
ASBL c/ Région wallonne, C-41/11.
10. Sur ce point, voir D. Simon, « L'identité constitutionnelle dans la jurisprudence de
l'Union », in L. Burgorgue Larsen (dir.), L'identité constitutionnelle saisie par les juges en
Europe, Cahiers européens n° 1, Pedone, IREDIES Paris 1, 2011, p. 27.
11. L'analyse plus approfondie de cette question a été renvoyée à ma contribution aux
Mélanges dédiés à Henri Oberdorff : D. Simon, « Les "notions autonomes" en droit de
l'Union », LGDJ, 2015, p. 93 s.

Grands Colloques - L'européanisation du droit

Table des matières de la publication Grands Colloques - L'européanisation du droit