Grands Colloques - L'européanisation du droit - 42

L'EUROPÉANISATION DU DROIT CIVIL

B. Vers une harmonisation des droits internes ?
34 - Neutralité des règles coordinatrices ? - Comme on l'a compris,
l'objectif de l'Union n'est pas ici de créer un corps de règles matérielles
qui régiraient le contrat, les délits ou les grandes institutions familiales.
Les instruments adoptés poursuivent seulement une coordination entre
les droits et justices européens au nom des principes de prévisibilité et de
sécurité juridique. Reste que sous couvert de règles se bornant à répartir
les compétences législatives ou juridictionnelles et à assurer la circulation
des jugements et des actes authentiques, l'Union européenne révèle une
conception du droit qui peut différer de celle défendue par les législateurs
nationaux. Le prisme familial est celui qui permet le mieux, non seulement
de mesurer la fausse neutralité du droit civil conflictuel, mais aussi de
révéler que des règles de coordination des droits peuvent indirectement
favoriser une harmonisation des mêmes droits78.
35 - Relations transfrontières. - La philosophie de la famille et de son
droit qui se dégage des normes européennes ne profite, a priori, qu'aux
personnes impliquées dans des relations transfrontières. On sait désormais
qu'il ne s'agit pas seulement des citoyens européens qui ont exercé leur
droit à la libre circulation, mais aussi des ressortissants d'États tiers (v. supra
n° 31). Pour les familles mixtes ou migrantes, les règlements s'inspirent
d'une philosophie libérale dans laquelle le droit de la famille doit moins être
source de devoirs et de contraintes que d'épanouissement personnel. Cette
philosophie apparaît très clairement dans le droit conflictuel européen du
divorce. Multipliant les fors susceptibles d'être saisis79, permettant aux
époux de choisir dans une certaine mesure la loi applicable au divorce80,
les normes européennes concourent à assurer un droit au divorce81. Dans
cette perspective, l'article 10 du règlement Rome III prévoit que « lorsque
la loi applicable en vertu des articles 5 ou 8 ne prévoit pas le divorce (...) la
loi du for s'applique »82. Plus significatif encore de cette tendance libérale,
le règlement Successions ouvre une possibilité de professio juris (limitée à

78. V. H. Fulchiron, « La construction d'un droit "européen" de la famille : entre coordination, harmonisation et uniformisation », R.A.E.-L.E.A. 2014/2, p. 309 et s.
79. Règlement Bruxelles II bis, art. 3.
80. Règlement Rome III, art. 5.
81. Pour une critique de cette philosophie libérale, v. E. Loquin, « La création d'un marché
européen du divorce ? » in S. Corneloup (dir.), Droit européen du divorce, LexisNexis/
CREDIMI.
82. V. M. Farge, « La gestation d'un droit fondamental au divorce ? », RDLF 2012, Chron.
n° 19.

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