Grands Colloques - L'européanisation du droit - 51

CONSTANCE CHEVALLIER-GOVERS

Maastricht, en introduisant la coopération dans le domaine de la justice et
des affaires intérieures, a accéléré le processus mais c'est surtout le traité
d'Amsterdam, en posant comme nouvel objectif à l'UE de créer un espace
de liberté, de sécurité et de justice (ELSJ), qui a mené progressivement à
une harmonisation partielle du droit pénal matériel. La réalisation de cet
espace a également engendré l'adoption d'un certain nombre de mesures,
comme le mandat d'arrêt européen (MAE), ayant une influence cette fois
sur la procédure pénale française. Si, sous l'empire du traité d'Amsterdam,
la technique de l'harmonisation n'avait pas encore vocation à s'appliquer
à la procédure pénale, le pas a été franchi avec le traité de Lisbonne qui
prévoit un fondement juridique propre pour le rapprochement des législations sur certains aspects du droit pénal processuel. Pour J. Pradel, le
traité de Lisbonne manifeste ainsi une réelle « métamorphose » de l'UE en
matière pénale10.
Il convient de s'arrêter un instant sur les différentes techniques d'européanisation qui ont été utilisées par l'UE : de la coopération à l'unification
en passant par l'harmonisation. La première étape de l'européanisation a
consisté dans la mise en place de cadres formels de coopération entre les
autorités policières et judiciaires sous l'égide du traité de Maastricht. Le
traité d'Amsterdam a introduit la reconnaissance mutuelle et l'harmonisation comme nouvelles techniques plus sophistiquées d'européanisation.
Le concept d'harmonisation se réfère à deux méthodes qu'il convient de
distinguer11 : il peut, en effet, désigner le simple rapprochement entre deux
ou plusieurs systèmes juridiques en gommant les disparités sans supprimer
les spécificités. Il peut ensuite se définir comme l'opération consistant à
unifier des ensembles législatifs différents par l'élaboration d'un droit
nouveau empruntant aux uns et aux autres12. D'après J. Pradel, l'harmonisation est le complément de la coopération. Il ne s'agit pas de garantir une
unification des normes pour tous les États européens, ce qui conduirait à
un droit pénal fédéral : cette conception proposée par la présidence néerlandaise de l'UE en 2005 n'a pas été retenue par le Conseil qui a considéré que
l'unification heurterait le principe de subsidiarité et les cultures juridiques
nationales. L'harmonisation, dans son sens restrictif de rapprochement des
législations, permet ainsi de concilier les impératifs de l'européanisation et
la sauvegarde des identités juridiques nationales qui sont particulièrement

10. J. Pradel, G. Cortens et G. Vermeulen, Droit pénal européen, Dalloz, 3e éd., 2009,
834 p.
11. G. Cornu, Vocabulaire juridique, PUF, 2005, 7e édition, p. 445.
12. L. Galichet considère, pour sa part, qu'il y a deux modèles types d'européanisation :
l'harmonisation et unification : voir L. Galichet, « Les modèles théoriques des européanisations du droit », Revue des Mutations du Droit, janvier 2011, p. 1-11.

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