Grands Colloques - L'avenir du droit des biens - 155

CHARLES GIJSBERS

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et incorporelles, qui semble pourtant impuissante à fédérer deux régimes
cohérents45. Le traitement des richesses sur le terrain des garanties réelles
(et spécialement leur aptitude à relever ou non du modèle hypothécaire)
corrobore le déclin de ces distinctions classiques dans l'entier droit des
biens et ouvre des perspectives sur une nouvelle clef de répartition des
richesses.
En effet, l'observation des multiples sûretés spéciales développées en
réponse à la diversification massive des richesses tout au long du xxe siècle
permet d'identifier deux grandes familles de sûretés réelles auxquelles
correspondent respectivement deux grands types de biens. Il y a, d'un
côté, les sûretés de type hypothécaire qui offrent au créancier un droit
de suite sans entrave et qui conservent au débiteur sa liberté d'aliéner le
bien grevé ; de l'autre, les sûretés de type non hypothécaires qui, faute de
droit de suite efficace, requièrent le dessaisissement effectif du constituant
ou son engagement à ne pas transmettre le(s) bien(s) grevé(s). Ne sont
éligibles au premier modèle que les biens facilement identifiables, dotés
d'une individualité très marquée et se prêtant, pour toutes ces raisons, à
l'organisation d'un système publicitaire fiable (ainsi des immeubles, navires,
bateaux, aéronefs, fonds d'exploitation, brevets, marques, films cinématographiques, logiciels...) ; relèvent du second les biens qui ne présentent
pas la fixité et l'individualité nécessaires à l'organisation d'un droit de suite
efficace, des biens dont la maîtrise juridique est très souvent étroitement
liée à leur maîtrise factuelle (matériel, outillage, marchandises, créances,
valeurs mobilières, monnaie...)46.
Pertinente sur le terrain des sûretés réelles, cette distinction s'avère particulièrement éclairante en droit des biens qui, à l'examen, semble associer
à ces deux types de biens deux régimes bien distincts d'appropriation.
La première catégorie, que l'on pourrait baptiser « biens enregistrés »,
correspond à des richesses fixes dont le législateur entoure les transmissions
de nombreuses précautions formelles dans le but d'en asseoir la stabilité
dans le patrimoine de leur titulaire (régime de « sécurité statique » protégeant les droits acquis). La deuxième catégorie, les «biens non enregistrés »,
regroupe au contraire des richesses circulantes dont le système juridique
encourage les transmissions rapides par un régime d'apparence favorisant
l'acquéreur de bonne foi au détriment du véritable propriétaire (régime de
« sécurité dynamique »). Sans doute certaines richesses (créances, quotas
d'émission de gaz à effet de serre, licences, monnaie scripturale, etc.)
peinent-elles encore, en l'état du droit positif, à choisir l'un ou l'autre
45. Quoi de semblable, par exemple, entre le nantissement de créance et le nantissement
de fonds de commerce ? Entre l'hypothèque d'usufruit immobilier et le nantissement de
titres financiers ?
46. Pour une démonstration plus complète, v. notre thèse, op. cit., no 609 et s.
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