Grands Colloques - L'avenir du droit des biens - 207

MUSTAPHA MEKKI

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d'une chose est une considération « universelle », de l'intérêt de tous. Le
respect de la destination environnementale de toutes les choses impose un
devoir de conservation90, devoir inspiré du modèle de l'usufruit91. Reste
à savoir ce qu'il faut conserver. Il s'agit de conserver la substance ce qui
n'est pas synonyme d'immobilisme. Une destruction est ainsi envisageable
à condition que la compensation soit possible92. La propriété ne se réduit
pas à un pouvoir exclusif d'une personne sur sa chose. L'homme n'est plus
« maître et possesseur de la nature ». Il doit « respecter la Terre, son habitat
ou écoumène »93. La chose n'est pas qu'un objet. Elle est aussi un milieu94.
Le propriétaire-seigneur devient propriétaire-habitant95. Le propriétaire
peut disposer de certaines utilités mais d'autres utilités, utilités environnementales de chose, le dépassent. Les limites ne sont pas imposées au
propriétaire de l'extérieur, mais elles sont internes à la chose. Il y a une
forme de « co-maîtrise »96 du propriétaire et de toute personne intéressée.
Seule la notion de patrimoine commun rend compte de ces multiples utilités
d'une chose. Cette situation n'est pas très éloignée de la distinction entre le
domaine utile, appartenant au propriétaire, et le domaine éminent, universel
ou haut domaine, appartenant à tous97. En définitive, si tout n'est pas
contractuel dans le contrat, tout n'est pas individuel dans la propriété et à
l'humanité de l'homme répond, en quelque sorte, l'humanité des choses.
Le concept de patrimoine commun est pertinent pour mettre en lumière
90. En ce sens, M.-A. Chardeaux, th. préc., p. 339 et s. et p. 347 et s., qui souhaiterait
fonder ce principe, de lege ferenda, sur l'article 714 du Code civil. Rappr. B. Jadot, op. cit.,
p. 108 : « chaque être humain est tenu par l'obligation de conserver ce qui forme le patrimoine environnemental », conservation fondée par l'auteur sur l'article 578 qui concerne
l'usufruit.
91. J. Sambon, « L'usufruit, un modèle pour le droit d'usage du patrimoine environnemental », in Quel avenir pour le droit de l'environnement ?, op. cit., p. 188 et s.
92. Cette idée, S. Vanuxem, Les choses saisies par la propriété, IRJS éditions, 2012, p. 649.
93. S. Vanuxem, th. préc., no 315, p. 642. Sur l'écoumène, ibid, no 116, p. 190
94. F. Ost, La nature hors la loi. L'écologie à l'épreuve du droit, La Découverte, 1995,
spéc. p. 12 et s. Le milieu traduit une dialectique entre l'homme et la nature. Du même
auteur, Le juste milieu. Pour une approche dialectique du rapport homme-nature, in Images
et usages de la nature en droit, sous la direction de P. Gérard, Fr. Ost et M. van de
Kerchove, Publications des facultés universitaires Saint-Louis Bruxelles, 1993, p. 17 et s.
95. S. Vanuxem, th. préc., no 316, p. 643.
96. Idée de F. Moderne (« Rapport de synthèse » in Travaux de l'association
Henri Capitant, La maîtrise du sol, t. XLI, Economica, 1990, p. 35) reprise par
F.-G. Trébulle, « Environnement et droit des biens », op. cit., p. 108. Il y aurait une sorte
de dédoublement des rapports juridiques : le propriétaire aurait un lien avec son patrimoine,
mais ce dernier appartient, système de poupées gigognes, à un patrimoine universel. Il n'est
pas question de limite externe mais d'une caractéristique interne à la chose.
97. A.-M. Patault, Introduction historique au droit des biens, op. cit., p. 20, sur les
origines des propriétés simultanées. Il y aurait ici la traduction d'une superposition des intérêts général, collectif et individuel, J. Rochfeld, Les grandes notions..., op. cit., no 29, p. 392.
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