Grands Colloques - L'université et ses responsabilités - 31

CONCURRENCE, MARCHÉ INTÉRIEUR

seulement à l'agriculture. Par exemple, pour exploiter une meunerie, il faut
une autorisation. Cette autorisation sera donnée par le représentant du roi.
Elle prendra souvent la forme d'un monopole - le meunier « autorisé »
étant le seul à pouvoir exercer cette activité sur le territoire considéré. En
contrepartie, ce meunier acquittera des droits qui seront versés dans la
cassette royale pour contribuer au financement des dépenses de la Cour.
Il en va différemment aux États-Unis - pays qui, dans sa configuration
actuelle, naît avant tout de l'occupation individuelle, par des colons, de
terres conquises sur la nature ou sur les habitants antérieurs. Dans ce monde
individuel, l'État ou l'autorité a un rôle subalterne. Souvent ce rôle se
limite à celui de garantir l'ordre (police) ou de défendre les colons contre
les ennemis extérieurs (armée). L'autorité n'est pas la source de l'activité
économique. On préfère, par conséquent, que cette autorité reste cantonnée
dans sa fonction, sans s'immiscer dans le cœur des activités.
Application du droit européen
Dans cette transformation, le droit européen joue un rôle qui n'est pas
anodin. Tout d'abord, c'est par son intermédiaire qu'ont été introduites
les règles de concurrence sur notre continent. À l'origine, ces règles ont
été interprétées d'une manière adaptée à nos valeurs. Mais elles se sont
révélées très proches, dans leur formulation, des dispositions américaines
correspondantes. L'interprétation donnée à ces dernières n'a pas tardé à
influencer nos attitudes - d'autant que ces règles sont inspirées de la discipline économique où les études développées aux États-Unis ont acquis
une forme de suprématie dans le monde entier en raison de la puissance
de leurs universités.
C'est ainsi que l'attitude typiquement européenne et qui consistait à
réguler la concurrence pour éviter qu'elle nuise à la cohésion sociale a été
progressivement transformée en position dans laquelle, à l'instar de ce qui
a cours aux États-Unis, on voit la concurrence comme une opportunité
dans la mesure où elle permet la sélection des meilleurs et l'élimination
des moins bons11.
Par ailleurs, le droit européen introduit la notion de « marché intérieur ».
Ce dernier est connu comme un vaste espace où chacun peut proposer
ses biens et ses services à l'ensemble des destinataires européens. Dans
cet espace, les réglementations nationales ne sont pas nécessairement les
bienvenues car elles introduisent des cloisonnements. Pour qu'elles puissent
être maintenues, les États doivent démontrer qu'elles sont nécessaires en
vue de réaliser un objectif supérieur - une exigence rarement satisfaite
11. P. Nihoul, « From Unfair to Free Competition - Towards a New Organisation of
Markets in the European Union », European Business Law Review, 2006, p. 23 et s.

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