Grands Colloques - L'université et ses responsabilités - 34

L'UNIVERSITÉ ET SES RESPONSABILITÉS

l'application, aux universités francophones, des règles relatives aux services
ou de celles concernant le droit d'établissement.
Dans les années 1980, la Cour de justice a défini la notion de « service »
figurant au cœur de ces règles. Dans les arrêts alors rendus, elle a jugé que,
lorsqu'il est principalement financé par l'autorité, l'enseignement n'est pas
un service - et ne peut donc se voir appliquer lesdites règles. Pour elle, un
service donne lieu à paiement par le destinataire de la prestation. Dans son
analyse, un tel paiement fait défaut en cas de financement par l'autorité14.
Cela ne veut pas dire que l'enseignement échappe à toutes les règles
européennes. Dans les arrêts où elle refusait d'appliquer les règles sur les
services et l'établissement, la juridiction a considéré que l'enseignement
relève en effet de la formation professionnelle. À ce titre, il est soumis,
comme celle-ci, au traité15. Étant couvert par le droit européen, ce domaine
est soumis aux principes généraux qui en relèvent. Parmi ces principes
figure l'interdiction d'opérer des discriminations fondées sur la nationalité,
la résidence ou l'origine.
En application de ce principe, les États membres ne peuvent traiter différemment des individus ou des entreprises parce qu'elles proviennent d'un
autre État membre. Ainsi, ils ne peuvent imposer à des étudiants européens
le paiement de droits d'inscription plus élevés que ceux applicables aux
nationaux. De la même manière, ils ne peuvent soumettre l'accès à l'université à des conditions moins favorables que celles réservées aux nationaux.
Ces questions ont fait l'objet de plusieurs arrêts et la jurisprudence, sur ces
points, peut être considérée comme stable.
Mais le principe de non-discrimination ne concerne pas seulement les
étudiants - les destinataires des services. Il s'applique aussi aux prestataires
- à ceux qui fournissent les services ou veulent s'établir dans un autre
État membre. Ainsi, l'interdiction d'opérer des discriminations pourrait
être invoquée par une université étrangère se voyant refuser le droit de
fournir des formations sur le territoire national. Elle pourrait aussi être
utilisée, en cas de litige, à l'encontre d'une autorité nationale accordant à
une telle université l'autorisation de proposer de tels programmes mais la

14. La position développée sur cette jurisprudence est fondée sur l'article 57 TFUE aux
termes duquel « sont considérées comme services les prestations fournies normalement
contre rémunération ». Lorsque l'enseignement est essentiellement financé par des fonds
publics, aucune rémunération véritable n'est payée, selon la Cour, par le destinataire. La
même attitude a été adoptée par le législateur européen qui a exclu l'application, à l'enseignement universitaire, de la directive libéralisant les services au sein de l'Union européenne.
V. Directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil, 12 déc. 2006, relative aux
services dans le marché intérieur, JO L 376, p. 376.
15. Selon la jurisprudence européenne, les formations professionnelles ne sont pas seulement constituées par l'enseignement technique. Elles comportent aussi l'enseignement
universitaire voire, dans certains cas, l'enseignement secondaire.

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