Hors collection - 1975-2015 - De quelques aspects contemporains de la sous-traitance - 77

LE « TRAVAIL EN SOUS-TRAITANCE »

de reprendre le régime de responsabilité de droit commun des articles 1382
et 1383 du Code civil, avec cependant un mécanisme original d'amende
civile, à vocation dissuasive. Cette disposition témoigne de l'affaiblissement
du dispositif prévu au regard de l'ambition de la proposition de loi dans sa
première version, cela d'autant plus que la mesure ne concernerait que les
entreprises de plus de 5 000 salariés en France et 10 000 salariés en France et
à l'étranger70. La mise en œuvre de la responsabilité de l'entreprise serait en
outre toujours aussi difficile puisqu'il appartiendra à la victime d'établir que
la société n'a pas mis en place de plan de vigilance et que cette abstention
a un lien de causalité avec le dommage survenu71.
Du point de vue de son champ d'application, il faut relever le choix qui
a été fait de viser les risques résultant notamment des activités des soustraitants ou fournisseurs avec lesquels l'entreprise entretient « une relation
commerciale établie ». Plutôt que de privilégier le critère pourtant plus
traditionnel de « l'influence déterminante », la volonté des parlementaires a
été de tenir compte de la nature durable de la relation de sous-traitance au
regard de l'importance des risques à identifier72. L'inscription temporelle
de la relation commerciale serait donc un critère supplémentaire déterminant l'engagement de l'entreprise donneuse d'ordre. Le lien contractuel
est ici conçu sur le mode du « contrat relationnel »73 où la vigilance imposée
se justifie par l'intégration étroite des intérêts des acteurs du réseau. Pour
autant, selon l'auteur ayant suggéré ce critère, la notion de relation commerciale est aussi susceptible de recouvrir « une suite de contrats ponctuels,
mais aussi de contrats durables »74. Seraient en revanche également visés
les sous-traitants en cascade. Il appartiendrait ainsi à l'entreprise donneuse
d'ordre de s'assurer du respect de la mise en œuvre du plan de vigilance.
Les institutions représentatives du personnel, et notamment le CHSCT,
restent à l'écart du dispositif. L'amendement proposant que le CHSCT
soit informé du contenu du plan de vigilance et qu'il puisse en informer les
salaries a été rejeté, le texte imposant de rendre public le plan de vigilance
en le faisant figurer au sein du rapport extra-financier75. Le dispositif
70. Ce seuil de 10 000 correspondrait aux 150 à 200 grandes entreprises qui couvrent
aujourd'hui, selon les estimations du Trésor et de Bercy, environ les deux tiers du commerce
hors OCDE.
71. Voir cependant pour une interprétation « optimiste », N. Cuzacq, « Le devoir de
vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre : Acte II, scène 1 », préc.,
p. 1049.
72. Débats parlementaires, AN, 30 mars 2015.
73. D. Campbell (dir.), The relational theory of contract: selected works of Ian Macneil,
Sweet & Maxwell, 2001.
74. N. Cuzacq, « Le devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses
d'ordre : Acte II, scène 1 », D. 2015, p. 1049.
75. Débats parlementaires, AN, 30 mars 2015.

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