Hors collection - 1975-2015 - De quelques aspects contemporains de la sous-traitance - 99

SOUS-TRAITANCE ET RELATIONS COLLECTIVES DE TRAVAIL

membres, ce qui laisse place à des montages contractuels permettant à des
entreprises de faire jouer la concurrence sociale84.
Limites de la négociation inter-entreprises. La négociation interentreprises, telle que nous l'avons envisagée précédemment (négociation
de site, ou accord d'intérêt local notamment) présente un intérêt limité au
vu de l'objectif recherché ici. Quant à la négociation de groupe, outre les
questions techniques liées aux thèmes de négociation à ce niveau et à la
non-appartenance des entreprises donneuses d'ordre et sous-traitantes à
la même branche85, elle demeure une négociation d'accord-cadre souvent
conclu au niveau transnational. Les accords de groupe de dimension
européenne et mondiale se sont largement développés sous l'égide de la
responsabilité sociale d'entreprise. La négociation d'accord de dimension
transnationale est apparue comme un cadre juridique plus solide que les
chartes éthiques mais la question de leur portée reste posée86. En outre, les
accords de groupe européens et mondiaux prévoient certes des dispositifs
de suivi ou de contrôle et, le cas échéant, - l'objectif étant d'éviter au
maximum le recours au juge - des procédures de conciliation, de médiation,
d'arbitrage sont prévues. Cependant, l'efficacité de ces dispositifs est faible
en raison du contexte social et politique local ainsi que des intérêts économiques privilégiés par l'entreprise87.

84. V. not. F. Muller, « L'affaire de Flamanville : détachement ou fraude sociale ? »,
Dr. social 2012, p. 675.
85. Ainsi, « lorsque le groupe relève de plusieurs secteurs d'activités couverts par autant
de conventions de branche différentes, il se peut que certaines d'entre elles autorisent le jeu
des dérogations, d'autres non ; il est également possible que toutes les autorisent pas sur les
mêmes points » (B. Teyssié, Droit du travail. Relations collectives, LexisNexis, 9e éd., 2014,
p. 813). Si c'est le cas, il faudra renoncer à conclure un accord de groupe dérogatoire valant
pour l'ensemble du groupe. L'intérêt de la négociation de groupe perd alors son intérêt
s'agissant de la relation entre donneur et sous-traitants s'ils relèvent d'une convention de
branche spécifique, chaque fraction du groupe donnera lieu à un accord de groupe particulier
(v. not. sur le cas des entreprises n'appartenant pas à une même branche et la négociation
de groupe : B. Teyssié, ibid., p. 815).
86. V. not. I. Desbarats, « Codes de conduite et charte éthique des entreprises
privées », JCP G 2003, I, 112 ; C. Neau-Leduc, « RSE et droit social - Présentation ? », in
Responsabilité sociale des entreprises, G. Trebulle et O. Uzan (dir.), Economica, 2011,
p. 13 ; M.-A. Moreau, « Travail forcé, RSE et sous-traitance dans l'industrie textile en Asie :
réflexion sur l'action de l'OIT », Dr. social 2014, p. 413.
87. V. not. Madame le professeur Moreau qui précise plusieurs raisons dans son étude
relative à la sous-traitance dans l'industrie du textile en Asie : le fait que l'entreprise multinationale demeure un agent économique qui privilégiera la réalisation de ses intérêts économiques à l'application des mesures de contrôle et de suivi prévues par l'accord ; le défaut de
volonté des États où sont implantés les sous-traitants à lutter pour des conditions de travail
décentes et donc l'absence de véritables contrôles de la part des autorités ; le recul du rôle
des syndicats en matière de RSE. M.-A. Moreau, art. préc.

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