Grands Colloques - L'accès au juge et l'intérêt à agir - 184

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L'ÉVoLUTIoN DE L'INTÉRÊT À AGIR

dénie l'intérêt à agir, on a quand même accès au juge. Certes le dossier
ne sera pas tranché au fond, cependant le requérant a bien eu accès à
la juridiction et obtient dans tous les cas une décision juridictionnelle.
Au-delà de la régulation des stocks évoquée par Hervé Cassara, j'aimerais
reprendre à mon compte la contribution de Mattias Guyomar aux Mélanges
offerts au Président Genevois, qui s'intitulait « Un droit en équilibre »,
dans laquelle il évoque la fonction du juge qui assure un rééquilibrage du
droit en précisant que « (...) Précaire, cet équilibre n'est pas instable : il est
dynamique. En fonction de l'évolution des règles de droit et des circonstances de fait, du contexte social, des rapports de force institutionnels, les
points d'équilibre peuvent - doivent - être modifiés. Et c'est au juge qu'il
appartient de conduire le mouvement ».
Pour preuve, il suffit de se référer aux évolutions jurisprudentielles
s'agissant du ressort géographique des associations. J'ai un exemple en
tête où, à Marseille, ma chambre a eu un gros contentieux qui est allé
plusieurs fois devant le Conseil d'État, qui a statué encore en 2012 sur
des délibérations qui ont autorisé la création d'une usine de traitement
de déchets à Fos-Sur-Mer. La première délibération actant du principe au
recours à la gestion déléguée date de 2003. Elle a fait l'objet de plusieurs
jugements du tribunal administratif, d'arrêts de la cour administrative
d'appel de Marseille avant d'aller ensuite devant le Conseil d'État. La
délibération qui a approuvé la délégation de service public (et ses annexes)
a également fait l'objet d'un contentieux devant le tribunal administratif
qui l'a annulée pour un vice propre. La délibération a été reprise et elle est
encore revenue devant nous, étant précisé qu'entre-temps, en l'absence de
caractère suspensif, l'usine de traitement a d'ores et déjà été construite. Sur
ce dossier, le rapporteur public a conclu à l'annulation à la suite d'un moyen
d'ordre public soulevé par la formation de jugement, ce moyen tenant à
l'illégalité des stipulations contractuelles approuvées par la délibération
pour méconnaissance des règles de la domanialité publique. Et c'est assez
surprenant de constater que les avocats, face au moyen d'annulation, n'ont
pas tant insisté sur le sens et la portée du moyen que sur les conséquences
en invoquant la sécurité juridique. Et il est vrai qu'il nous appartient à
nous, juges, dans la recherche de cet équilibre, d'assurer un équilibre entre
le respect de la légalité et la garantie de cette sécurité juridique.
Pour le reste, il me semble que l'accès au juge est toujours garanti. En
témoigne encore une fois le ressort géographique des associations. Toujours
dans le contentieux relatif à des délibérations, avant l'intervention d'un arrêt
du Conseil d'État rendu le 17 mars 2014, pour une association à l'encontre
de laquelle j'aurais pu accueillir une fin de non-recevoir, l'audience étant
intervenue après cette décision, un intérêt à agir contre la délibération en
question lui a été reconnu et son action a été accueillie.

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