Grands Colloques - L'accès au juge et l'intérêt à agir - 45

À PRoPoS DE L'INTÉRÊT À AGIR

Faut-il le rappeler, il n'est pas question de prétendre, ce serait absurde, que
la jurisprudence n'a pas évolué, qu'il n'y a pas eu des ajustements, voire des
revirements et non des moindres. Il n'est pas davantage question de tout
changer pour que rien ne change. Au contraire. Des solutions nouvelles,
innovantes certainement. Mais révélées, créées selon une méthode qui n'a
pas varié.
C'est parce que la méthode suivie s'est révélée efficace, utile, opportune
que les solutions jurisprudentielles ont pu s'adapter aux temps qui changent,
qu'il s'agisse des exigences résultant de la législation de l'Union européenne
ou des règles du procès équitable. Et il est permis de dire aujourd'hui que
la jurisprudence du Conseil d'État quant à l'intérêt à agir permet l'accès au
juge dans le respect des droits fondamentaux des justiciables.
Il ne saurait être question, ici, de dresser un catalogue même raisonné de
la jurisprudence en la matière pour expliquer que quel que soit le domaine,
excès de pouvoir ou plein contentieux, l'intérêt pour agir est sauvegardé.
ou de plaider pour ou contre les faiseurs de systèmes6.
Il s'agit plus simplement de constater que la manière dont le juge
administratif a résolu et résout encore aujourd'hui cette question, illustre
un équilibre parfois difficile à trouver, mais un équilibre stable et solide.
Et j'en veux pour preuve que cet équilibre se retrouve tant dans les
modalités de procédure que dans les conditions d'appréciation des différents intérêts.
Comment le juge administratif apprécie-t-il l'intérêt à agir ? ou comment
fait-il ? C'est bien entendu en excès de pouvoir que naissent les principales
difficultés puisque la recevabilité du recours n'est pas subordonnée à l'existence d'un droit lésé7. on peut opérer des distinctions dans tous les sens :
droits objectifs/droits subjectifs ; abstrait ou concret ; le recours pour excès
de pouvoir et le recours de plein contentieux ; on peut partir de l'acte :
individuel, collectif, réglementaire. ou du demandeur : personne physique,
morale. Groupement ou association, privé, public (voire un ministre, un élu,
national, local). Et à quel moment va-t-on l'apprécier ? Qui devra le faire ?
La jurisprudence a répondu en fixant des règles d'ordre processuel pour
déterminer cet intérêt (I) et des conditions de fond auquel il est subordonné
pour être reconnu (II).

6. J. Rivero, « Apologie pour les faiseurs de systèmes », D. 1952, chr. p. 5, en écho aux
conclusions prononcées par B. Chenot sur CE, 10 févr. 1950, Gicquel, Rec. p. 100 : « Cette
jurisprudence enfin qui, en ne précisant jamais les motifs théoriques de ses choix, laisse
dans l'embarras les faiseurs de systèmes ».
7. CE, 17 janv. 1954, Syndicat des marchands du carreau du Temple, Rec. p. 55.

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