Grands Colloques - L'attractivité du droit français des sûretés réelles - 142

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EN DROIT INTERNE

B. Les effets du nantissement
8. Dans la mesure où le nantissement est une opération sur créance,
la sécurité du bénéficiaire dépend en premier lieu de l'opposabilité des
exceptions25. On peut en particulier penser que la notification de la sûreté
empêche le jeu d'une compensation entre le constituant et le débiteur de
la créance. On prétend souvent le contraire, au motif que le nantissement
n'est pas translatif et ne rompt pas la réciprocité des créances26. Mais on
sait que « la compensation ne préjudicie pas aux droits acquis par les tiers »
(art. 1347-7 C. civ.) et cette règle, qui empêche la compensation en cas de
saisie-conservatoire27, devrait naturellement bénéficier au créancier nanti28.
9. Le fait que le nanti ne recueille pas la propriété de la créance ne devrait
pas non plus limiter son droit à paiement direct. Ce droit au paiement
est tout d'abord « exclusif », en ce sens que le nanti peut encaisser seul
le paiement, sans le concours du constituant. La solution n'a rien d'une
évidence, et le droit comparé montre qu'elle n'est pas reçue sans nuance
par toutes les législations29. C'est donc délibérément que l'ordonnance du
23 mars 2006 a pris le parti de la souplesse et de l'efficacité. Le nanti peut
encore se prévaloir des sûretés qui assortissent l'obligation, exactement
de la même manière qu'un cessionnaire à titre de garantie, puisque
l'article 2359 précise que « le nantissement s'étend aux accessoires de la
créance »30. L'absence de transfert de la créance n'a pas non plus pour effet
de limiter l'étendue du droit au paiement, ainsi qu'on l'affirme parfois31. La
Cour de cassation affirme clairement que « le cessionnaire peut réclamer au
débiteur le paiement total de la créance cédée, même lorsque son montant
excède celui de la créance garantie »32, et dans la mesure où la solution
découle du principe d'indivisibilité des sûretés réelles33, elle devrait valoir
25. Sur la question, v. M. Julienne, thèse préc., nº 74 et s.
26. P. Crocq, obs. ss. Com. 26 mai 2010, RTD civ. 2010, p. 597 ; D. Legeais, Droit des sûretés et garanties du crédit, 11e éd., 2016, nº 522 ; O. Fille-Lambie et L.-J. Laisney, art. préc.,
p. 7.
27. R. Perrot et Ph. Théry, Procédures civiles d'exécution, 3e éd., Dalloz, 2013, nº 1199.
28. Rappr. N. Borga, note ss. Com. 26 mai 2010, D. 2010, p. 2201, nº 11.
29. V. § 1281 et 1282 BGB, qui requièrent le concours du constituant tant que la créance
garantie n'est pas échue.
30. La solution est encore plus explicite pour le nantissement Dailly (v. art. L. 313-27
C. mon. fin., qui vise les « sûretés » et les « garanties » attachées à la créance).
31. G. Ripert et R. Roblot, Droit commercial, Tome II, LGDJ, 17 e éd., 2004, par
P. Delebecque et M. Germain, n° 2428-11.
32. Com. 18 nov. 2014, n° 13-13336, Bull. civ. IV, nº 168 ; JCP E 2015, 1101, note R. Marty ;
RTD civ. 2015, p. 185, obs. P. Crocq ; RDC 2015, p. 516, note M. Julienne.
33. P. Crocq, obs. sous Com., 3 nov. 2010, n° 09-69870 ; v. égal. P. Crocq, obs. sous Com.,
18 nov. 2014, n° 13-13336, RTD civ. 2015, p. 185
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