Grands Colloques - L'attractivité du droit français des sûretés réelles - 147

LE NANTISSEMENT DE CRÉANCE : UN OUTIL EFFICACE ?

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transférée54. Or, lorsque M. François envisage l'hypothèse du conflit entre
le bénéficiaire d'une telle opération et un tiers prétendant saisir la créance,
c'est au premier qu'il donne la priorité. La saisie « aura frappé une créance
définitivement modifiée dans la personne de son bénéficiaire », de sorte que
« le créancier saisissant ne saurait prétendre venir en concours avec le tiers
bénéficiaire sur les sommes dues à ce dernier par le débiteur. »55 C'est une
logique comparable qui conduit M. Synvet à reconnaître au nantissement
sa pleine efficacité : « Parce que la créance nantie est un droit personnel, la
question centrale a paru la suivante : qui, du titulaire de la créance ou du
bénéficiaire du nantissement, va recevoir paiement ? Dans la mesure où
l'accipiens désigné est le créancier nanti, celui-ci est rempli de ses droits,
et il n'est plus nécessaire de lui ménager une préférence »56. D'un point de
vue technique, donc, rien ne s'oppose à ce que l'on reconnaisse la pleine
efficacité du nantissement.

B. La politique juridique
16. Contrairement à ce que l'on affirme parfois, la reconnaissance d'un
droit exclusif n'aurait nullement pour effet d'assimiler le nantissement à
une cession (car le nantissement laisse substituer un lien entre le débiteur
de la créance et le constituant)57, et ne priverait pas d'intérêt l'attribution
de la créance en paiement (car celle-ci emporte réalisation immédiate de la
sûreté, sans avoir à « attendre l'échéance de la créance nantie », art. 2365,
al. 2, C. civ.)58. La solution s'inscrirait du reste parfaitement dans l'évolution
d'ensemble du droit des sûretés réelles59. L'ordonnance du 23 mars 2006
a non seulement confirmé la légitimité du droit de rétention et de la
réserve de propriété, mais elle a encore généralisé le pacte commissoire
54. J. François, Les opérations juridiques triangulaires attributives (stipulation pour autrui
et délégation de créance), th. Paris II, 1994.
55. J. François, th. préc., nº 310 (l'auteur cite Com. 24 juin 1986, nº 84-14379, Bull. civ. IV,
nº 141, relatif à un avis à tiers détenteur délivré par le Trésor public).
56. H. Synvet « Le nantissement de meubles incorporels », préc., p. 68.
57. Comp. D. Legeais, « Nantissement de meubles incorporels », J.-Cl. Civil, art. 2356
à 2366, 2013, nº 59 : selon qui le droit exclusif « tend à une complète assimilation entre le
nantissement et la cession de créance à titre de garantie ».
58. Selon certains, l'attribution ferait double emploi avec un droit exclusif (M. Mignot,
« L'indisponibilité de la créance nantie... », préc., nº 37 ; Ph. Théry, note préc. ss. Com.
19 déc. 2006, p. 419 ; G. Ansaloni, « Remarques sur l'efficacité du nantissement de créance »,
RD bancaire et fin., sept. 2013, prat. 5, note 12).
59. P. Crocq, « L'évolution des garanties de paiement : de la diversité à l'unité », Mélanges
Christian Mouly, Tome II, Litec, 1998, p. 317, spéc. I, B ; Ph. Dupichot, Le pouvoir des
volontés individuelles en droit des sûretés, th. éd. Panthéon-Assas, 2005, préf. M. Grimaldi,
nº 916 et s. ; L. Bougerol-Prud'homme, Exclusivité et garanties de paiement, th. préc.
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