Hors collection - L'audition libre : de la pratique à la réforme - 172

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L'AuDItIoN LIBrE : DE LA prAtIquE à LA rÉforME

Cette extension, non pas de l'audition libre, mais des garanties prévues
par le Code de procédure pénale aux hypothèses d'audition libre prévues
par les autres codes révèle ainsi un nouveau progrès pour les droits des
personnes suspectées. Il ne faut certes pas ignorer le risque d'un recours
plus fréquent à l'audition libre que par le passé, son recours étant désormais
légalisé et encadré ; il faut d'autant moins l'ignorer qu'un tel risque s'est
réalisé s'agissant du droit commun, le nombre d'auditions libres ayant
augmenté très sensiblement après les décisions du Conseil constitutionnel,
pour devenir bien plus nombreuses que les mesures de garde à vue 15.
toutefois, la mesure étant plus respectueuse des droits des personnes en
cause que par le passé, un recours plus fréquent mais plus protecteur est
préférable à un recours plus rare mais moins protecteur.
Le progrès pour les droits des suspects auditionnés est indéniable ; pour
autant, ces différentes réformes de l'audition libre manifestent-elles un
progrès du droit ? La réponse n'est, bien sûr, pas évidente, mais il apparaît
qu'au-delà de l'amélioration (relative) de la situation de la personne
concernée, les réformes n'ont pas modifié la pratique de la procédure
pénale, de telle sorte que le droit n'a que peu, voire pas, progressé sur ce
point.
Ce renforcement des droits de la défense, insufflé par petite dose, ne
peut être nié, mais il se fait « à droit constant », sans modifier le déroulement du processus pénal sans modifier la culture de l'aveu (aux côtés
de la culture de la preuve génétique) et du recours aux auditions dans cet
objectif. L'enquête est encore secrète, non contradictoire, et l'audition est
un moyen bien plus qu'une fin.
La loi du 3 juin 2016 a, certes, introduit une (encore plus) petite dose
de contradictoire dans la phase d'enquête, avec la mise à disposition du
dossier selon les modalités prévues par les articles 77-2 et 77-3 dans le
Code de procédure pénale16. rappelons que, selon le premier de ces textes,
toute personne suspectée d'avoir commis une infraction punie d'une peine
privative de liberté et qui a fait l'objet d'une garde à vue ou - pour ce qui
intéresse cet ouvrage - d'une audition libre peut, un an après l'accomplissement de la mesure, demander au procureur de la république de consulter
15. Sur ce point, v. cet ouvrage, A. Murbach-Vibert et Delpeut, « La naissance de
l'audition libre », spéc. n° 10 ; sur le positionnement des parquets sur cette évolution, v. cet
ouvrage, p. Gagnoud, « L'appréciation de l'audition libre par l'autorité de poursuites »,
spéc. n° 12.
16. Art. 56 de la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016.

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