Hors collection - L'audition libre : de la pratique à la réforme - 38

ENJEu D'uNE prAtIquE profESSIoNNELLE

coopération du suspect. Il était donc souhaitable d'en reconnaître la réalité
juridique et d'en proposer un encadrement minimal, aussi imparfait fut-il,
ne serait-ce que pour forcer la main au législateur.
Il ne faisait d'ailleurs pas de doute que les principes dont le Conseil
constitutionnel est le gardien trouvaient à s'appliquer ici. Et le Conseil
de retenir comme normes constitutionnelles applicables : l'article 7 de la
Déclaration des Droits de l'Homme et du citoyen proclamant le droit à la
sûreté12, l'article 9 garantissant la présomption d'innocence, l'article 16 de
la même Déclaration qui, par le miracle d'une interprétation, est devenu
en quelque sorte le pendant de l'article 6 de la Convention européenne des
droits de l'homme, les articles 34 et 66 de la Constitution selon lesquels,
respectivement, la loi fixe les règles de procédure pénale et l'autorité
judiciaire est gardienne de la liberté individuelle. Le respect des droits
de la défense découlant de l'article 16 de la Déclaration des droits de
l'homme et la sauvegarde de la liberté individuelle placée par l'article 66
de la Constitution sous la protection de l'autorité judiciaire sont particulièrement mis en avant dans un considérant rappelant les enjeux d'équilibre
de la procédure pénale13. C'est à cet équilibre auquel le Conseil essaie de
parvenir, même si en l'absence de support textuel direct, il lui était très
difficile de rendre une décision portant un jugement constitutionnel sur
les articles 62 et 78 du Code de procédure pénale qu'il ne pouvait appréhender qu'a contrario. Il n'avait donc à sa disposition que la technique de
la réserve d'interprétation pour exprimer un « mais » sur l'audition libre
dont il commence à dessiner le régime juridique.

II − LES RÉSERVES QUANT AU RÉGIME JURIDIQUE
DE L'AUDITION LIBRE
La technique des réserves d'interprétation est une voie médiane entre
la validation du texte et sa censure ; elle constitue un guide à l'adresse du
législateur et une consigne aux juges sur le sort à réserver à des dispositions
12. Selon cette disposition « Nul homme ne peut être accusé, arrêté ni détenu que dans
les cas déterminés par la Loi, et selon les formes qu'elle a prescrites. Ceux qui sollicitent,
expédient, exécutent ou font exécuter des ordres arbitraires, doivent être punis ; mais tout
citoyen appelé ou saisi en vertu de la Loi doit obéir à l'instant : il se rend coupable par la
résistance ».
13. Cons. constit. 18 novembre 2011, préc., cons n° 14 ; 18 juin 2012, préc., cons. n° 5 :
« qu'il incombe au législateur d'assurer la conciliation entre, d'une part, la prévention des
atteintes à l'ordre public et la recherche des auteurs d'infractions, toutes deux nécessaires à
la sauvegarde de droits et de principes de valeur constitutionnelle, et, d'autre part, l'exercice
des droits et libertés constitutionnellement garantis ».

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