Hors collection - L'audition libre : de la pratique à la réforme - 66

ENJEu D'uNE prAtIquE profESSIoNNELLE

suspect que quelques heures. Il renforçait dans le même temps les libertés
individuelles, nul ne pouvant sérieusement prétendre qu'une garde à vue de
24 heures renouvelable, même assortie de droits renforcés, était plus enviable
qu'une simple audition libre de 4 heures maximum. L'article 327-7 laissait
toutefois le choix à la personne interpellée, qui devait être informée au
début de son audition de la nature de l'infraction dont elle est soupçonnée
et de sa possibilité de choisir entre une audition libre ou un placement
en garde à vue. Ce choix devait faire l'objet d'une déclaration écrite de sa
main. Il accordait également à l'officier de police judiciaire la possibilité de
basculer de l'audition libre à une garde à vue, si l'apparition d'un élément
nouveau au cours de l'audition le justifiait pour un ou plusieurs motifs
spécifiquement définis par la loi. Cette prérogative déjà reconnue à l'officier
de police judiciaire est utilisée fréquemment en pratique et peut s'avérer une
solution d'attente opportune.
9. Le nouveau régime de l'audition libre : un inévitable compromis.
Même si elle apparaissait comme le moyen le plus efficace de faire baisser
de manière extrêmement sensible le nombre de gardes à vue, incontestablement le principe de l'audition libre, tel qu'initialement envisagé, était la
disposition la plus contestée par les avocats. Sensible aux critiques, le projet
de loi finalement présenté au parlement, puis adopté le 14 avril 2011, a
considérablement restreint le champ de l'audition libre après interpellation,
pour le limiter aux seuls cas où la personne « a accepté expressément de
suivre l'officier ou l'agent de police judiciaire ». L'actuel article 73 du Code
de procédure pénale dispose en effet que lorsque la personne est présentée
devant l'officier de police judiciaire, son placement en garde à vue, lorsque
les conditions de cette mesure sont réunies, n'est pas obligatoire dès lors
qu'elle n'est pas tenue sous la contrainte de demeurer à la disposition des
enquêteurs et qu'elle a été informée qu'elle peut à tout moment quitter
les locaux de police ou de gendarmerie. Cette disposition n'est toutefois
pas applicable si la personne « a été conduite sous contrainte par la force
publique devant l'officier de police judiciaire ». La loi a donc retenu une
position intermédiaire entre la jurisprudence stricte de la Cour de cassation5
et la voie ouverte par l'avant-projet, puisqu'au découplage entre interpellation et garde à vue pour les infractions punies d'une peine jusqu'à 5 ans
d'emprisonnement, est substitué un découplage entre appréhension et retour
contraint dans les locaux de police pour audition.
10. L'idée est que l'appréhension au corps du suspect n'a pas vocation
par principe à susciter une garde à vue, si ce dernier accepte d'accompagner
les agents interpellateurs dans leurs locaux pour y être entendu librement.
5. Cf. n° 5.

Hors collection - L'audition libre : de la pratique à la réforme

Table des matières de la publication Hors collection - L'audition libre : de la pratique à la réforme