Bibliothèque de droit privé - La rétroactivité de la jurisprudence - Tome 574 - 9

PRÉFACE Force et audace. Ces deux mots accolés, qui sont la devise d'une brigade de l'Armée française, pourraient aussi bien servir d'étendard à la thèse de Monsieur Guillaume Drouot. Non pas que celle-ci soit une thèse de combat, même si l'essai sur « La rétroactivité de la jurisprudence » qu'elle offre à la communauté juridique se veut une « Recherche sur la lutte contre l'insécurité juridique en droit civil ». Non pas qu'elle ait eu pour ambition de réaliser une percée éclair en lignes adverses, même s'il y a dans la sobre écriture de l'auteur, ainsi que dans la saine pugnacité dont il fait preuve dans la confrontation des idées, une fermeté et une vigueur qui ont quelque chose de martial. Mais tout simplement parce qu'elle brille par ces deux vertus qui font les grandes thèses. Force tout d'abord, parce qu'en une démonstration compacte et puissante, Monsieur Drouot livre une analyse renouvelée d'un sujet pourtant exploré méticuleusement par les plus grandes plumes. On connaît les termes du débat : lorsque la jurisprudence opère un revirement celui-ci s'applique rétroactivement aux situations juridiques constituées antérieurement mais qui restent à juger, et cette rétroactivité peut naturellement être source d'une insécurité problématique. Est-il possible d'y porter remède et par quels moyens ? Les voies de plus en plus fortement suggérées et, pour certaines, déjà expérimentées, notamment l'aménagement par la décision rendue de son application dans le temps, sont-elles conciliables avec la distribution du pouvoir normatif au sein de notre ordre juridique et, en tout état de cause, souhaitables ? Pour répondre à cette question, l'auteur, suivant une démarche rigoureusement scientifique, commence par éprouver la solidité de ses présupposés : la jurisprudence est-elle effectivement source de règles de droit, ce qui est la condition de l'existence de véritables revirements pour le passé comme l'avenir ou bien est-elle seulement déclarative, ce qui exclurait toute rétroactivité jurisprudentielle ? Après avoir réfuté l'argument sociologique consistant à évacuer la question au prétexte de l'importance factuelle de la jurisprudence dans la connaissance du droit, Monsieur Drouot se met en devoir de sonder les concepts de droit (objectif) et de règle de droit. Ce qui le conduit à renvoyer dos à dos normativisme kelsenien et théories réalistes pour adhérer de manière plus mesurée à l'idée que la justiciabilité est le critère du droit : la règle de droit est celle qui permet à un juge érigé en tiers impartial de prendre sa décision afin de résoudre le conflit qu'il est chargé de trancher. Fort de cette conclusion et démonstration faite que la jurisprudence est bel et bien reconnue tout à la fois par la loi, les juges et les justiciables, en tant que règle de droit, Monsieur Drouot part alors à la recherche de la justification de sa rétroactivité. Il livre à ce sujet une analyse forte et décisive : la rétroactivité

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