Manuel - Droit des biens - 2e - 17

Introduction
(créance réelle) ou de débiteur (dette réelle), envers une autre, créancier d'un droit
personnel ou débiteur d'une obligation personnelle - ce sont les obligations mixtes19.
Quant au patrimoine20, il est acquis depuis AUBRY et RAU que le patrimoine est
une « émanation de la personnalité » en sorte que seules les personnes mais toutes les
personnes ont un21 patrimoine22. Le patrimoine est une universalité de droit qui
comprend, à ce titre, un actif qui répond d'un passif23 : il est l'enveloppe qui
regroupe les richesses d'une personne et qui, à ce titre, constitue la mesure de son
crédit, les créanciers étant titulaires sur le patrimoine d'un droit de gage général24. À
l'actif, le patrimoine ne se compose pas tant des biens que des droits réels qui portent sur eux25. De fait, ce dont sont riches les personnes, ce sont des droits réels
qu'elles détiennent sur des biens davantage que des biens eux-mêmes26. Le passif
comprend corrélativement les dettes dont est tenu le titulaire du patrimoine à
l'égard d'autrui ; leur étude ressortit en général au droit des obligations, encore
que l'on doive réserver au droit des biens l'étude des obligations réelles ou mixtes.

19. V. infra, no 763 et s.
20. Pour une vue générale de la pensée juridique française relative à la notion de « patrimoine », v. « Le
fabuleux destin de la théorie de l'unicité du patrimoine », Revue de droit Henri Capitant / Henri Capitant
Law Review, Lextenso éditions, Dalloz, no 1-2/2011 (disponible sur http://www.henricapitantlawreview.
fr/edito_revue.php?id=35&lateral=35).
Pour un approfondissement et un renouvellement de la notion de patrimoine, v. J. ROCHFELD, Les grandes
notions du droit privé, PUF, 2011, p. 351 s. L'auteur perçoit deux tendances en droit contemporain : d'une
part, l'émergence de patrimoines d'affectation tels que les fiducies ou le patrimoine de l'entrepreneur individuel, qui permettent aux personnes de cantonner l'étendue de leur responsabilité (p. 367 s.) et, d'autre
part, le développement des patrimoines communs tels que patrimoine commun de l'Humanité, de la nation,
de l'Union européenne, qui agrègent des « ressources » en vue de les soustraire aux appropriations personnelles et d'assurer leur maintien (p. 389). Les patrimoines communs ont cependant peu à voir avec le
patrimoine au sens où on l'entend traditionnellement et techniquement : composés de ressources extrapatrimoniales, ce ne sont en réalité pas des patrimoines.
21. Voire plusieurs. Si on laisse de côté la fiducie (v. infra, no 393 et s.), « [t]out entrepreneur individuel peut
affecter à son activité professionnelle un patrimoine séparé de son patrimoine personnel, sans création d'une personne morale » (art. L. 526-6 al. 1 C. com.) : c'est l'institution de l'entrepreneur individuel à responsabilité
limitée, l'EIRL (art. L. 526-6 s. C. com.).
22. « Le patrimoine étant une émanation de la personnalité, et l'expression de la puissance juridique dont
une personne se trouve investie comme telle, il en résulte : que les personnes physiques ou morales peuvent seules avoir un patrimoine ; que toute personne a nécessairement un patrimoine, alors même qu'elle
ne posséderait actuellement aucun bien » (Ch. AUBRY et Ch. RAU, Cours de droit civil français, 5e éd., par
E. BARTIN, § 573, t. 9, 1917). Les auteurs ajoutaient immédiatement « [q]ue la même personne ne peut
avoir qu'un seul patrimoine, dans le sens propre du mot ». Ce propos est aujourd'hui à tempérer, spécialement depuis que la fiducie a été introduite en droit français (v. infra, no 392 et s.).
23. C'est le propre d'une universalité de droit, par rapport à une universalité de fait, que l'actif réponde
d'un passif. Et v. Ch. AUBRY et Ch. RAU, Cours de droit civil français, 6e éd., par P. ESMEIN, § 573, t. 9, 1953 :
« c'est bien un des traits caractéristiques d'une universalité de droit qu'elle comprend un passif en même
temps qu'un actif, par opposition à une universalité de fait, telle qu'un troupeau où une bibliothèque ».
24. Art. 2092 C. civ. : « Quiconque s'est obligé personnellement, est tenu de remplir son engagement sur tous ses
biens mobiliers et immobiliers, présents et à venir ».
25. M. MIGNOT, « La notion de bien, contribution à l'étude du rapport entre droit et économie », RRJ 2006,
p. 1805 s., spéc. no 58 : « les choses ne sont pas dans le patrimoine ; ce sont les droits sur les choses qui sont
dans le patrimoine ». Comp. la conception retenue par AUBRY et RAU : « [l]e patrimoine étant de nature purement intellectuelle, les éléments dont il se compose doivent revêtir le même caractère. Les objets extérieurs sur lesquels portent les droits d'une personne, ne forment point des parties intégrantes de son patrimoine, en eux-mêmes et sous le rapport de leur nature constitutive, mais à titre de biens, et sous le rapport
de l'utilité qu'ils sont susceptibles de procurer. En cette qualité, ces objets se ramènent tous à l'idée commune d'une valeur pécuniaire » (Cours de droit civil français, 5e éd., par E. BARTIN, § 573, t. 9, 1917).
26. Cela apparaît avec évidence lorsque l'on est en présence d'un droit réel sur la chose d'autrui : on ne
peut être riche d'un bien qui n'est pas le sien (sauf à considérer que les droits réels sont des biens). Cela
reste vrai lorsque l'on envisage le droit de propriété : le propriétaire est d'autant plus riche que son droit
n'est pas ou peu réglementé, que la loi ne l'assortit pas ou peu de restrictions ou d'obligations.

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