Hors collection - Lectures critiques du Code des relations entre le public et l'administration - 101

MATHIEU DOAT

L'acte administratif est tout d'abord conçu comme pouvant contenir
des prescriptions. S'il n'est pas toujours formulé sur un mode impératif,
un ordre, une injonction ou un interdit, il peut être permissif ou « habilitateur ». À côté de cette première catégorie, le législateur reprend l'idée
traditionnelle de la doctrine administrative selon laquelle l'acte peut
contenir une description, un avis ou encore une recommandation.
Cet acte unilatéral se transforme en objet assez curieux, car il peut
être en même temps, selon la définition de l'acte juridique, une manifestation de volonté qui produit des effets de droits et aussi le contraire : une
non-décision.
Le législateur a donc cherché à renforcer la conception formelle de
l'acte qui ne tient pas compte de la portée juridique25. Mais cette convention de langage est doublement problématique.
En premier lieu, il fait de la décision une sous-catégorie de l'acte unilatéral. Or ces deux concepts ne peuvent pas véritablement s'articuler. Ils
appartiennent à des paradigmes différents. La théorie de l'acte renvoie
à l'idée que l'administration est une personne juridique qui manifeste une
volonté. Dans cette conception, l'administration se présente comme une
exécutante de la loi en tant qu'expression de la volonté générale.
La décision est sur un registre très différent. Elle se situe, comme l'a
parfaitement expliqué Maurice Hauriou, en amont de la personnalité
juridique26. Elle traduit le processus par lequel une institution arrête et
juge une situation juridique. La décision publique renvoie à l'idée d'un
choix politique parmi plusieurs potentialités et dans cette perspective,
l'administration n'est plus exécutante, mais décisoire. Elle présuppose une
procédure conduite par différents organes qui participent à sa formation.
On a beaucoup écrit sur ces deux concepts majeurs, et la doctrine
aujourd'hui semble accepter leur association. Mais ce glissement,
aujourd'hui consacré par le législateur, pose aussi problème, car il permet
de tenir à l'écart du juge une partie de l'encadrement normatif des conduites
administratives. Nous savons que de nombreux documents participent
à un contrôle interne et une « normalisation » de l'action administrative.
Si le juge s'attarde sur les actes impératifs et les mesures graves qui portent
atteinte aux conditions de vie de la personne, à sa situation statutaire ou
à sa carrière, il maintient la catégorie des actes qui ne font pas grief pour
rejeter des recours qui en découlent27.
25. P. Delvolvé, « La définition de l'acte administratif unilatéral », RFDA 2016, op. cit.
26. M. Hauriou, Principes de droit public, 1re éd., 1910, rééd. Dalloz, 2010, préface
O. Beaud.
27. Sur le régime juridique de ces actes, v. le fascicule de B. Seiller, « Acte administratif »,
Répertoire Dalloz de contentieux administratif, 2015.

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