Hors collection - L'exécution des sentences arbitrales internationales - 126

L'EXÉCUTION DES  SENTENCES ARBITRALES INTERNATIONALES

considérant que l'exécution immédiate de la sentence était en mesure de léser
gravement ses droits parce qu'elle était susceptible de mettre en jeu sa pérennité,
en s'appuyant notamment sur une lettre d'experts comptables montrant que l'actif
était insuffisant pour faire face à l'exécution, sur un rapport de commissaires aux
comptes annonçant qu'ils devraient faire un rapport spécial d'alerte, et sur le fait
que 68 contrats de travail étaient compromis34. Dans cette dernière affaire, le CME
a également estimé que le critère du « risque de lésion grave » prévu à l'article 1526
alinéa 2 du CPC était rempli en l'espèce en raison de « la disproportion entre l'exécution
immédiate de la sentence et le résultat attendu du recours », ayant relevé au préalable
que « la condamnation supérieure à 11 millions d'euros [était] constituée pour plus de
la moitié par une condamnation à un préjudice immatériel »35.
29. Pour certains commentateurs, la prise en compte de la disproportion entre l'exécution provisoire de la sentence et le résultat attendu du recours va dans le sens
d'une « véritable autonomie »36 du critère de « risque de lésion grave ». Cependant,
on relèvera que bien qu'elle n'ait pas été expressément mentionnée dans des
ordonnances antérieures à la réforme de 2011, cette idée de la disproportion entre
l'exécution provisoire de la sentence et le résultat attendu du recours n'était pas
complètement absente de la jurisprudence antérieure et sous-tendait bien souvent
la motivation dans la plupart des décisions.
30. Ce qui semble être certain, c'est que dans son appréciation du « risque de lésion
grave » au regard du débiteur, la jurisprudence rejette les demandes d'arrêt ou
d'aménagement de l'exécution provisoire fondées sur des moyens tirés du régime
procédural des voies de recours. Ont ainsi été rejetés les moyens tirés de l'inexistence
du caractère suspensif du recours en annulation au moment de la signature de la
convention d'arbitrage37 ou de la différence de régimes, avant et après la réforme de
2011, applicables à la sentence partielle et à la sentence finale38. En outre, la jurisprudence considère que l'argument du débiteur tiré du prétendu abus du comportement
du créancier quant au choix des voies d'exécution mises en œuvre, ne peut justifier
l'existence d'un risque de lésion grave de ses droits au sens de l'article 1526 alinéa 2
du CPC39.
31. Comme mentionné plus haut, la situation économique du créancier est désormais
également examinée pour apprécier l'existence ou non d'un « risque de lésion grave ».

34. Ord. CME, CA Paris, 4 juill. 2014, n° 14/12102, Assurances Pilliot.
35. Ord. CME, CA Paris, 4 juill. 2014, n° 14/12102, Assurances Pilliot.
36. J. PelleriN, l. de maria, ibid., p. 790 à 792 ; I. léger, Idem, p. 23.
37. Ord. CME, CA Paris (pôle 1 - ch. 1), 8 mars 2012, P. Costante dit Pierre Cardin et autre c. société Ratti SpA.
38. Ord. CME, CA Paris (pôle 1 - ch. 1), 17 déc. 2015, n° 15/11665, Fédération de Russie c. Société Veteran Petroleum
Limited ; Ord CME, CA Paris, (pôle 1 - ch. 1), 17 déc. 2015, n° 15/11667, Fédération de Russie c. Société Hulley
Enterprises Limited ; Ord. CME, CA Paris (pôle 1 - ch. 1), 17 déc. 2015, n° 15/11669, Fédération de Russie c. Société
Yukos Universal Limited.
39. Ord. CME, CA Paris (pôle 1 - ch. 1), 17 déc. 2015, n° 15/11665, Fédération de Russie c. Société Veteran Petroleum
Limited ; Ord CME, CA Paris, (pôle 1 - ch. 1), 17 déc. 2015, n° 15/11667, Fédération de Russie c. Société Hulley
Enterprises Limited ; Ord. CME, CA Paris (pôle 1 - ch. 1), 17 déc. 2015, n° 15/11669, Fédération de Russie c. Société
Yukos Universal Limited.

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