Hors collection - L'exécution des sentences arbitrales internationales - 158

L'EXÉCUTION DES  SENTENCES ARBITRALES INTERNATIONALES

malgré l'existence du titre exécutoire, le juge de l'exécution peut donner mainlevée
de la mesure conservatoire si le créancier ne démontre pas que le recouvrement de
sa créance est menacé, comme l'illustrent au moins deux espèces196.

b. Créance paraissant fondée en son principe
57. L'exigence d'une créance paraissant fondée en son principe appelle des développements plus importants. Il faut ici distinguer quatre hypothèses, suivant la
chronologie des décisions des juges français de l'exécution et de l'exequatur. En
effet, au moment où le juge de l'exécution apprécie si la créance est fondée en son
principe, il se peut qu'aucune décision française relative à l'exequatur de la sentence
n'ait été rendue (α) ; que l'exequatur ait déjà été octroyé par une décision passée en
force de chose jugée (β) ; que l'exequatur ait été refusé par une décision passée en
force de chose jugée (γ) ; ou que l'exequatur ait été octroyé ou refusé par une décision
frappée d'appel (δ).
α) Absence de toute décision française relative à l'exequatur de la sentence
58. Dans la première hypothèse, au moment où le juge de l'exécution statue sur
la régularité de la mesure conservatoire, la sentence arbitrale internationale qui
constate l'existence de la créance invoquée par le créancier saisissant n'a encore
fait l'objet d'aucune décision lui octroyant ou lui refusant l'exequatur. Dans ce cas, le
juge de l'exécution peut et doit apprécier librement si cette sentence est susceptible
ou non d'une reconnaissance en France.
Certes, le juge de l'exécution n'est pas juge de l'exequatur197, mais il faut bien faire le
départ entre l'exécution forcée et la reconnaissance d'une sentence arbitrale étrangère : la première n'est possible qu'avec l'aval du juge de l'exequatur, tandis que
la seconde, qui consiste simplement à reconnaître l'autorité de chose jugée de la
sentence, peut être accordée par toute juridiction, à titre incident198. L'intitulé de la
convention de New York « pour la reconnaissance et l'exécution des sentences arbitrales étrangères » distingue les deux notions, de même que son article III, ainsi que
l'article 1514 du Code français de procédure civile.
Pourtant, le juge de l'exécution a tendance, semble-t-il, à perdre de vue la différence.
La plupart du temps, la reconnaissance de la sentence n'est pas discutée devant
lui et il admet, sans se poser la question, que la sentence constitue une décision
de justice non encore exécutoire permettant de prendre une mesure conservatoire
sans autorisation. C'est ainsi que le Tribunal de grande instance de Chaumont, puis la
cour d'appel de Dijon, saisis de la demande de mainlevée d'une saisie conservatoire
pratiquée pour garantir le paiement de la créance reconnue par une sentence rendue

196. Saint Jalmes (sté) c. Le Bothan (sté), ibid. - TGI Paris, JEX, 17 déc. 2013, AECD c. Queriaux, cité par une ordonnance
du premier président rendue dans cette affaire en cause d'appel : Queriaux c. AECD, préc. note 172.
197. CA Dijon, 23 avr. 2002, Dirland (sté) c. Viking Telecom, Juris-Data n° 2002-232418 ; Rev. arb. 2002, p. 743,
note M.-C. rivier. - v. aussi le jugement de première instance : TGI Chaumont, JEX, 31 janv. 2001, Rev. arb., ibid. -
v. également supra n° 3.
198. Trib. com. Nanterre, 5 sept. 2001, Technip France c. banque extérieure d'Algérie, Juris-Data n° 2001-184973.

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