Hors collection - L'exécution des sentences arbitrales internationales - 17

LE RôLE DE L'ARBITRE

A - LES OBJECTIONS PRATIQUES CONTEMPORAINES
À LA SURVENANCE DE COMPROMIS

13. Il suffit ici d'évoquer brièvement quelques évolutions majeures tenant à la place
et au fonctionnement de l'arbitrage international. Trois observations permettent de
constater l'affaiblissement des arguments présentés comme abondant dans le sens
d'une recherche de l'exécution volontaire des sentences.
14. D'abord, les relations commerciales se complexifient et l'éloignement des
parties se traduit par la diversification de leurs origines7. Le temps de l'exclusivité
de relations commerciales internationales pérennes est révolu. Et toute tentative de
réconcilier des parties qui n'ont plus vocation à contracter de nouveau semble à ce
titre plus vaine que par le passé.
15. Ensuite, l'augmentation des instances arbitrales impliquant des États rend
relativement stérile la reddition par les arbitres de sentences de compromis en
ces espèces. Car les États qui, traditionnellement et pour diverses raisons8, avaient
tendance à exécuter spontanément les sentences rendues à leur encontre se révèlent
aujourd'hui appartenir à la catégorie des débiteurs les plus récalcitrants.
16. Enfin, les interventions de tiers financeurs, d'assureurs subrogés ou encore les
pratiques de rachats de créances litigieuses assorties de clauses compromissoires
laissent circonspect quant à une quelconque justification pratique de la recherche
nécessaire d'une solution satisfaisant les deux parties.
17. Au-delà de ces considérations qui font de la reddition d'une sentence exécutable
spontanément un idéal de plus en plus contestable quant à ses vertus pratiques, un
certain nombre d'objections théoriques doivent être envisagées.
B - LES OBJECTIONS THÉORIQUES À LA SENTENCE DE COMPROMIS

18. Le rôle de l'arbitre recherchant le compromis consisterait à ne jamais choisir
une solution qui déplairait tellement à une partie qu'elle refuserait de l'exécuter au
plus vite. L'attitude est louable en vue de pacifier les relations entre les parties. Elle
n'est toutefois pas en accord avec la mission de l'arbitre qui est de trancher le litige9.
19. Chercher à concilier le fait de « trancher le litige conformément aux règles de droit »
et celui d'assurer l'exécution spontanée à travers l'adhésion à la sentence de la partie
condamnée impose en effet à l'arbitre des concessions pour répondre à sa mission.

7. Les statistiques de la CCI témoignant de l'augmentation du nombre des États dont sont originaires les parties aux procédures engagées sous les auspices de l'Institution : sur les dix dernières années seulement, la part de parties issues d'Asie,
d'Europe centrale et orientale ou encore d'Amérique latine dans le total des parties à de nouvelles affaires (lui-même en
constante augmentation) a véritablement explosé passant de 17,5 % à plus de 20 % pour les parties asiatiques, d'à peine
7 % à plus de 12 % pour les parties issues de l'Europe centrale et de l'Europe de l'Est et de 11 % à près de 17 % pour les
parties sud-américaines. v. Bull. CCI, vol. 16 n° 1, 2005, p. 6 et 7 ; 2015, vol. 1, p. 8 à 10.
8. voir sur ce point l'intervention d'E. KleimaN sur l'exécution des sentences d'investissement, ci-après, p. 201-215 et
notamment la présentation des effets des crises économiques et financières successives sur l'évolution du comportement
d'États débiteurs en vertu de sentences arbitrales.
9. En droit français, article 1512 du CPC et la jurisprudence relative aux annulations de sentences rendues en amiable
composition ou « en équité » par des arbitres dépourvus de ces pouvoirs.

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