Hors collection - L'exécution des sentences arbitrales internationales - 226

L'EXÉCUTION DES SENTENCES ARBITRALES INTERNATIONALES

C'est le cas des mesures conservatoires déjà évoquées et qui conduisent le tribunal
arbitral à ordonner séquestres, garanties bancaires entre autres. C'est encore la
limitation très (trop) nette des motifs de refus d'exequatur qui engendre ensuite une
jurisprudence pleine de confiance dans les tribunaux arbitraux, caractérisant s'il en
est cette faveur à l'arbitrage bien connue.
Une confiance de ce même juge étatique qui est peut-être devenue « aveugle » (l'expression a été utilisée lors des débats) comme en atteste la jurisprudence relative
à l'existence même de la sentence internationale. Nulle nécessité de réexaminer la
caractérisation de l'internationalité récemment réaffirmée à l'occasion d'un arrêt dont
chacun sait qu'il a surtout retenu l'attention des gazettes grand public. Sauf à souligner qu'en retenant qu'est interne l'arbitrage qui ne porte que « sur des opérations
qui se dénouent économiquement en France », on appréhende d'autant plus aisément
l'arbitrage international5. Nul besoin de revenir ici sur les arrêts Putrabali ou Ryanair6
bien connus de tous dont les enseignements claquent avec la force de l'évidence :
« la sentence internationale, qui n'est rattachée à aucun ordre juridique étatique, est
une décision de justice internationale dont la régularité est examinée au regard des
règles applicables dans le pays où la reconnaissance et l'exécution sont demandées ».
Le résultat est alors des plus nets : rien n'interdit a priori de poursuivre l'exécution en
France d'une sentence annulée à l'étranger. Si ce n'est pas témoigner une confiance
totale... Sauf à tout de même se permettre une observation. Une telle solution ne
vaut qu'en matière d'arbitrage international auquel renvoient expressément et l'arrêt
Putrabali et l'arrêt Ryanair dans la ligne des célèbres décisions Norsolor et Hilmarton.
Peut-on l'étendre en présence de tout arbitrage étranger, c'est-à-dire en présence
d'une sentence purement interne ? Rien n'est moins certain dès lors que l'on retient
que le fondement de la solution tient au seul fait que la sentence internationale est
une décision de justice internationale non rattachée à un quelconque ordre juridique
étatique. Et chacun comprendra que cette condition ne se vérifie naturellement pas
en présence d'une sentence interne, fût-elle étrangère...
Sous bénéfice de cette dernière observation, il est donc clair que l'État - compris
comme le législateur, comme le juge - est un allié certain quand est en jeu l'exécution
de la sentence arbitrale internationale. Cette situation de principe souffre cependant
diverses exceptions dont il convient désormais de dire quelques mots dans la ligne
des brillantes interventions du président Laurent Jaeger et de Maître Elie Kleinman.
L'hypothèse est alors celle où l'exécution forcée de la sentence s'envisage contre
l'État lui-même. Et il se révèle alors un tout aussi redoutable adversaire.

§ 2 - UN ADVERSAIRE (L'ÉTAT EN TANT QUE DÉBITEUR)
Faut-il le rappeler, les procédures civiles d'exécution ne s'appliquent jamais aux États.
Dès lors, « forcer l'exécution des sentences arbitrales contre les États » emporte

5. Cass. 1re civ. 30 juin 2016, n° 15-13755, n° 15-13904, n° 15-14145.
6. Cass. 1re civ. 8 juill. 2015, n° 13-25846.

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