Hors collection - L'exécution des sentences arbitrales internationales - 68

L'EXÉCUTION DES  SENTENCES ARBITRALES INTERNATIONALES

préventivement avec des sûretés, le créancier favorise ses chances d'une exécution
pacifique de la condamnation. Une sorte de paix armée : si vis pacem para bellum4.
2. Ces éléments rappelés, quel chemin devra suivre celui qui, partie à une procédure
arbitrale, souhaiterait se doter de sûretés en vue de garantir efficacement l'exécution
d'une sentence rendue en sa faveur ?
Il est une première voie - voie « royale » - dont il ne sera pas question dans ce rapport,
car elle nous place trop en amont du litige né entre les parties et n'est d'ailleurs
nullement spécifique à l'arbitrage. Nous voulons parler de la sûreté souscrite lors
de la naissance du contrat principal pour en garantir l'exécution5. Pour autant qu'elle
ait été valablement conclue et qu'elle n'ait pas déjà épuisé ses effets, la sûreté ainsi
convenue en garantie de la créance principale continuera évidemment de bénéficier
au créancier après la condamnation du débiteur par le tribunal arbitral. La raison en
est que la sentence revêtue de l'exequatur, pas plus qu'un jugement étatique6, n'a
d'effet novatoire sur l'obligation que le débiteur est condamné à payer : « la décision
n'a pas pour effet de couper l'obligation de sa base ou de la déraciner »7. L'ordre
adressé au débiteur par le tribunal arbitral de payer la dette litigieuse étant, par
principe, sans influence sur le régime de l'obligation à exécuter, les garanties qui
préexistaient à la sentence bénéficieront au créancier dans le cadre de la mise en
œuvre de la sentence8.
Mais l'on ne peut évidemment s'arrêter à cette première solution. D'abord, car les
parties peuvent n'avoir pas stipulé de sûretés lors de la conclusion du contrat principal. Ensuite, car, même si elles l'ont fait, la condamnation peut porter sur une dette
qui n'était pas garantie (une dette de responsabilité par exemple).

4. Que l'on pourrait ici traduire : si tu veux la paix avec ton débiteur, prépare la guerre en prenant des sûretés ! v., sur
cet aspect des sûretés, Ph. tHéry, Sûretés et publicité foncière, Puf, 2e éd., 1998, n° 117, p. 180.
5. Exemple : une opération de financement ou de cession conclue entre des parties qui, en parfaite intelligence, conviennent
que l'obligation du débiteur sera garantie par un nantissement de titres, par un gage-espèces, une fiducie, une garantie
à première demande, etc.
6. R. liBCHaBer, « Incertitudes sur l'effet substantiel des jugements », D. 2007, p. 842.
7. D. Foussard, « à l'intersection de trois disciplines : l'obligation constatée par une décision », Mélanges en l'honneur
de Jacques Boré, La création d'un droit jurisprudentiel, Dalloz, 2007, p. 163 et s., spéc. p. 167 qui observe qu'« il serait
paradoxal que le fait pour une partie de saisir le juge ait pour effet de la priver des sûretés qui la garantissent ou d'en
altérer le régime. [...] Même si elle a été l'occasion d'une décision de justice, l'obligation demeure ce qu'elle était et elle
reste placée sous l'autorité du droit substantiel qui la régit depuis le début ».
8. C'est vrai d'ailleurs aussi bien des sûretés réelles consenties par le débiteur lui-même que des sûretés personnelles (ou
réelles) consenties par un tiers, la sentence portant condamnation du débiteur étant opposable à la caution ou au garant
autonome, sous réserve de la possibilité de former une tierce opposition qui est toutefois fermée en matière d'arbitrage
international (v. sur ce thème, E. loquiN, « Arbitrage et cautionnement », Rev. arb. 2002, p. 462 ; J.-B. raCiNe, « Arbitrage
et cautionnement en droit français », Cah. arb. 2010, p. 353 et s., spéc. n° 28 et s. ; Adde, sur les recours ouverts à la
caution contre la sentence, et les progrès qui pourraient encore être faits en matière d'arbitrage international, S. Bollée,
« Les effets des sentences arbitrales à l'égard des tiers », Rev. arb. 2015, p. 695, spéc. n° 25 et s., p. 721 et s.). Il arrive
d'ailleurs, dans la pratique du crédit documentaire, que la banque garante subordonne son paiement à la production
de la sentence arbitrale condamnant le débiteur au paiement de l'obligation garantie (v., pour des illustrations, CA
Paris 1re ch. 10 nov. 1988 D.1990, Somm. p. 201, vasseur ; CA Paris, 15e ch., 17 sept. 1991, D. 1992, Som. 241,
Vasseur ; Cass. com., 16 mai 1995, n° 93-11788 - Sur cette pratique, v. B. leureNt, « Garanties bancaires et arbitrage »,
RDAI 1990, p. 404).

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