Droit du paiement - Procédures civiles d'exécution - 50

PROCÉDURES CIVILES D'EXÉCUTION

2 - Le propriétaire non débiteur
103 Situations visées. − Il n'y a aucune exception au principe, selon lequel c'est le débiteur qui répond de ses dettes sur son patrimoine, lorsque la loi prévoit un cas de solidarité. Le codébiteur solidaire qui n'a pas fait naître la dette, pourra en effet être poursuivi
sur ses biens, mais il le sera en qualité de débiteur. Ce sera le cas, par exemple, de
l'époux poursuivi par un créancier au titre des dettes ménagères (C. civ., art. 220) ou du
partenaire d'un pacte civil de solidarité, poursuivi pour une dette née pour les besoins de
la vie courante (art. 515-4). À côté de ces situations existent des cas dans lesquels les
biens d'une personne, non débitrice, seront l'objet de la saisie. C'est de ces hypothèses
dont il est ici question.
104 Sûreté réelle pour autrui. − La plupart des sûretés réelles peuvent être constituées par
un tiers, pour garantir la dette du débiteur. Il en est ainsi, notamment, de l'hypothèque,
du gage ou des nantisssements. Pour désigner ces sûretés réelles pour autrui, la pratique
avait pris l'habitude de parler de « cautionnement réel » ; la Cour de cassation a très
justement censuré cette expression, en indiquant que la sûreté réelle, constituée pour
autrui, n'était pas un cautionnement. Le créancier dispose d'un droit réel accessoire sur
le bien affecté en garantie, qui lui permet de le saisir afin d'exercer son droit de
préférence37. En revanche, il ne peut saisir les autres biens du constituant, qui n'est pas
son débiteur.
105 Droit de suite. − Une situation assez proche de celle issue d'une sûreté réelle pour
autrui est celle qui résulte de l'existence d'un droit de suite, que l'on rencontre dans
bon nombre de sûretés réelles classiques. L'hypothèque et les privilèges spéciaux immobiliers, dès lors qu'ils sont régulièrement publiés, confèrent au créancier bénéficiaire un
tel droit (C. civ., art. 2461). Il en est de même du vendeur de fonds de commerce, pour
son privilège, ou du créancier nanti sur le fonds (C. com., art. L. 143-12 et L. 143-5), du
créancier ayant un gage sur biens d'équipement (C. com., art. L. 525-4 et L. 525-7, al. 2)
ou encore du créancier titulaire d'un gage de droit commun sans dépossession (C. civ.,
art. 2337, al. 3). Dans toutes ces hypothèses et bien d'autres38, si le bien qui constitue
l'assiette de la sûreté réelle est cédé à un tiers alors que la sûreté n'a pas été purgée, le
créancier bénéficiaire pourra le saisir entre les mains de ce dernier. L'acquéreur, qualifié
de tiers détenteur, supportera la saisie sur ce bien ; pour autant, il n'est nullement le
débiteur du créancier et ne peut être poursuivi sur ses autres biens.
106 Régimes de communauté. − Une autre situation, dans laquelle un tiers à la dette subit
potentiellement des saisies sur ses biens, résulte du droit des régimes matrimoniaux.
Dans le régime légal (communauté réduite aux acquêts), un époux qui contracte une
dette pendant le mariage engage, en principe, ses bien propres et les biens communs, à
l'exception des gains et salaires de son conjoint39 (C. civ., art. 1413 et 1414) ; en
revanche, les biens propres du conjoint non débiteur ne sont pas engagés (art. 1418)40.
Quoi qu'il en soit, en dehors du cautionnement et de l'emprunt, qui obéissent à un

(37) Ou de faire valoir les autres prérogatives du droit hypothécaire, notamment l'attribution en propriété.
(38) La liste pourrait être poursuivie : hypothèques sur aéronefs (C. transp., art. L. 6122-15) ou sur bateaux de navigation
intérieure (C. transp, art. L. 4122-8), gage sur navires (L. 67-5 du 3 janv. 1967, art. 55).
(39) Sur la portée de l'insaisissabilité des gains et salaires du conjoint, lorsqu'ils sont versés sur un compte joint, v. infra
nº 418.
(40) La situation est différente si l'époux était déjà débiteur avant son mariage ou s'il reçoit la dette par succession au
cours du mariage (C. civ., art. 1411) ; les créanciers de cet époux ne peuvent saisir que ses biens propres et ses
revenus (gains et salaires et revenus de biens propres).

Droit du paiement - Procédures civiles d'exécution

Table des matières de la publication Droit du paiement - Procédures civiles d'exécution