Droit du paiement - Procédures civiles d'exécution - 54

PROCÉDURES CIVILES D'EXÉCUTION

Pour ce qui est de leur domaine, les immunités d'exécution du droit international concernent les États étrangers (a), leurs émanations (b), les chefs d'État étrangers (c), les diplomates (d) et les organisations internationales (e).

a - Les États étrangers
114 Une immunité qui n'est plus absolue. − Longtemps considérée comme absolue,
l'immunité d'exécution a connu, en droit français, un certain assouplissement ces
dernières années. C'est bien la jurisprudence qui, pendant longtemps, a constitué la
source du droit applicable, en matière d'immunité d'exécution (α). Une convention a
certes été adoptée le 2 décembre 2004 dans le cadre des Nations unies et signée par la
France le 17 janvier 2007 ; elle a fait l'objet en France d'une ratification par la loi
nº 2011-734 du 28 juin 2011. Toutefois, actuellement et faute d'un nombre suffisant
de ratifications, elle n'est toujours pas entrée en vigueur. Le législateur s'est finalement
emparé de la question (β).

α) L'ancien système issu de la jurisprudence
115 Renonciation. − En dehors d'éventuelles sanctions internationales, pouvant justifier la
mise à l'écart du bénéfice de l'immunité d'exécution65, deux séries de circonstances
conduisaient de façon certaine à cet effet : la renonciation à l'immunité d'exécution et
l'utilisation du bien dans le cadre d'une activité de droit privé. La renonciation d'un État
à son immunité d'exécution lui permet d'obtenir plus facilement un crédit auprès d'un
acteur économique étranger. La jurisprudence a ainsi admis que l'État étranger pouvait
renoncer à son immunité d'exécution. Pendant un temps, la Cour de cassation a permis
que cette renonciation soit expresse comme tacite66. Puis, la Haute juridiction s'est
montrée plus restrictive, exigeant que la renonciation soit à la fois expresse et spéciale67.
L'exigence de spécialité a d'ailleurs été précisée : pour que la renonciation à l'immunité
d'exécution soit efficiente, l'État devait avoir indiqué, par avance, quels biens ou catégories de biens il acceptait de voir saisis68. Elle a finalement été abandonnée ; en son
dernier état, la jurisprudence n'exigeait plus qu'une condition pour rendre efficace la
renonciation : son caractère exprès69.
116 Activité relevant du droit privé. − Indépendamment d'une éventuelle clause valable de
renonciation à l'immunité d'exécution, il ressortait de la jurisprudence que l'immunité
d'exécution des États étrangers pouvait aussi être écartée lorsque le bien saisi se rattachait, non à l'exercice d'une activité de souveraineté, mais à une opération économique,
commerciale ou civile relevant du droit privé70. C'est que, dans cette hypothèse, les
fondements classiques de l'immunité d'exécution, hormis peut-etre la courtoisie internationale, sont nettement moins présents71. Deux conditions étaient nécessaires, pour
écarter l'immunité d'exécution de l'État étranger. D'une part, la saisie envisagée devait
porter sur des biens affectés à une activité économique ou commerciale relevant du

(65) Cass. 1re civ., 15 juil. 1999, nº 97-19742, Bull. civ. I, nº 241.
(66) Cass. 1re civ., 6 juil. 2000, nº 98-19068, Bull. civ. I, nº 207 (stipulation d'une clause compromissoire, accompagnée
d'un engagement d'exécuter la sentence à intervenir).
(67) Cass. 1re civ., 28 sept. 2011, nº 09-72057 ; Bull. civ. I, nº 153.
(68) Cass. civ. 28 mars 2013, nº 10-25938, Bull. civ. I, nº 62 ; D. 2013, p. 1728, obs. D. MARTEL (impossibilité de saisie
des créances fiscales, dès lors que la clause de renonciation ne les mentionne pas spécifiquement).
(69) Cass. 1re civ., 13 mai 2015, nº 13-17751 ; à paraître au Bulletin ; Gaz. Pal. 5 sept. 2015, obs. C. BRENNER ; Droit et
procédures, oct. 2015, p. 182, obs. G. CINIBERTI.
(70) Cass. 1re civ., 14 mars 1984, nº 82-12462 ; Bull. civ. I, nº 98 ; JCP G. 1984, II, 20205, concl. GULPHE et note
H. SYNVET : « l'immunité d'exécution dont jouit l'État étranger est le principe [...] toutefois, elle peut être
exceptionnellement écartée [...] il en est ainsi lorsque le bien a été affecté à l'activité économique ou commerciale
relevant du droit privé qui donne lieu à la demande en justice ».
(71) Se fondant sur cette considération pour poser l'immunité de l'État étranger, y compris pour des activités de droit
privé, v. Cass. 1re civ., 2 nov. 1971, nº 69-14.100 ; Bull. civ. I, nº 278 ; cette jurisprudence n'a pas connu de suite.

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