Droit et Société - La société d'austérité - 2017-2018 - 116

LA SOCIETE D'AUSTERITE

José Eduardo Faria a examiné la façon par laquelle ces concepts sont mobilisés dans les débats politiques et juridiques actuels en identifiant un ensemble des
tendances politiques et juridiques qui concernent la transformation du pouvoir,
de l'État et du droit. Il montre l'apparition des « réseaux de légalité juxtaposés
ou parallèles qui résultent non seulement des décisions institutionnelles prises
par le pouvoir législatif et exécutif, mais aussi des négociations et des délibérations réalisées au sein de différents systèmes et sous-systèmes de l'économie et
de la société » 110. Pour lui, aujourd'hui le droit tend à s'appuyer sur une légitimité procédurale liée aux modes de production normative qui ont lieu dans les
instances non législatives. Par ailleurs, la place normative croissante prise par les
différents acteurs non étatiques, comme les entreprises, les fondations, les associations communautaires, les entités de classe, les organes de représentation corporative et les organisations non-gouvernementales, conduit à la production d'un
droit négocié. C'est dans ce contexte que l'affirmation du pouvoir des non-élus
mène à la production d'un droit non démocratique, modèle « hétérarchique » et
polycentrique de la société et du droit.
José Eduardo Faria a observé également la perte d'importance de l'État-nation
due à l'avancée de l'idée d'un État mondial, d'un droit global, d'une gouvernance
mondiale, d'un droit sans État en raison de la mondialisation économique et du
pluralisme juridique. Dans ce contexte surgissent des phénomènes de « publicisation du droit privé », de « l'administrativation du droit public », des processus de
déjuridicisation liés à ceux de délégalisation, de la déconstitutionnalisation des
droits, de la création de mécanismes alternatifs de résolution des conflits, et de la
judiciarisation de la question sociale. Tout cela représente une régression de la politique démocratique. En outre, les aspects de procéduralisation du droit, entendus
comme des techniques utilisées dans la prise des décisions unilatérales de l'État et
du droit étatique, se voient remplacés par des formes négociées du droit impliquant
des groupes d'intérêts et de pression ainsi que des associations communautaires et
des mouvements sociaux.
10.3.3. La relation entre droit et société, modèles de sociabilité de l'austérité et formes de normativité d'exception

Conséquence de la crise causée par l'austérité, la rupture entre les systèmes et
les acteurs sociaux correspond à une mutation déstructurante du monde social qui
conduit à la décomposition des liens de proximité établis entre les individus, et
entre ceux-ci et les institutions. Cela pose un sérieux problème à l'ordre social au
moins en ce qui concerne trois piliers sociojuridiques : le premier est celui de la
perte de confiance dans les institutions publiques et privées, censées protéger des
risques sociaux. À cela s'ajoute la perte de confiance dans le savoir des experts en
raison de l'indétermination générale provoquée par le contexte de crise. En effet,
les attentes positivistes sur l'avenir se sont vues remplacées par des manifestations
d'insécurité ontologique, juridique et politique.
110. Cf. José Eduardo FARIA, Direito e Conjuntura, Editora Saraiva, Faria, São Paulo, 2008, p. 7.

DROIT ET SOCIÉTÉ, VOL. 58, 2017

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