Droit et Société - La société d'austérité - 2017-2018 - 98

LA SOCIETE D'AUSTERITE

vulnérable », figure centrale de l'action publique. Admettre que la vulnérabilité
est une possibilité permanente, tant au plan individuel qu'institutionnel, exige
une révision de la pensée dominante concernant la dépendance vis-à-vis de l'État.
Sans vouloir remplacer la notion de dépendance par celle de vulnérabilité, cette
auteure finit par donner la priorité analytique à cette dernière 37.
L'État a un rôle majeur à jouer : il doit dépasser les enjeux idéologiques et
politiciens pour devenir un État actif à caractère non autoritaire. Martha Fineman
se propose alors de reconceptualiser l'État dont les structures doivent apporter
des réponses susceptibles d'aider les sujets vulnérables. Il ne s'agit pas de choisir
entre un « État actif » ou un « État non actif », mais de concevoir l'État comme
une entité susceptible de mettre en œuvre, sur la base d'une responsabilité bien
définie, un régime égalitaire plus juste 38. Le combat de l'État pour l'égalité suppose une compréhension précise de la dépendance et de la vulnérabilité, et, surtout, la reconnaissance que l'autonomie n'est pas une caractéristique naturelle de
la condition humaine. Qu'elle est un produit des politiques sociales ellesmêmes 39.
Dans son texte « Equality, autonomy and the vulnerable subject in law and
politics » 40, Martha Fineman identifie différentes approches de la vulnérabilité,
en privilégiant l'examen de celle de la nature humaine, et non celle des droits de
l'homme. Concernant la justice, sa vision apparaît également alternative. Elle
conçoit la vulnérabilité et la résilience comme des éléments articulés de l'État 41.
Ainsi, le sujet vulnérable convoque la participation d'un État responsif, c'est-àdire « d'un État qui reconnaît que lui-même, et les institutions qu'il soutient par
le droit, constituent les moyens et les mécanismes par lesquels les individus peuvent accumuler de la résilience ou des ressources dont ils ont besoin pour faire
face à la vulnérabilité sociale, matérielle et pratique » 42.
En effet, les institutions interagissent de différentes manières dans la société
en produisant (ou non) de la résilience sociale, politique et économique. Cela
présente des avantages et des inconvénients : les premiers peuvent déterminer
l'aptitude des individus à saisir pleinement les fruits de tous les systèmes sociaux ; les uns et les autres, étant cumulatifs, entraînent des effets dans la vie des
individus, associés aux gains ou aux pertes. On voit que la résilience n'est pas
non plus inhérente à la condition humaine, mais qu'elle résulte, tout au long de
la vie, de l'action des structures sociales sur les individus qui se sentent incapables de les contrôler. L'échec et le succès individuels ne sont pas uniquement

37. Cf. Martha A. FINEMAN, « The Vulnerable Subject: Anchoring Equality in the Human Condition », op. cit., p. 10-11.
38. Ibid., p. 19.
39. Ibid., p. 23.
40. Martha A. FINEMAN, « Equality, autonomy and the vulnerable subject in law and politics »
dans Martha A. FINEMAN et Anna GREAR (éd.), Vulnerability. Reflections on a New Ethical
Foundation for Law and Politics, op. cit., p. 13-28.
41. Ibid., p. 13.
42. Ibid., p. 19.

DROIT ET SOCIÉTÉ, VOL. 58, 2017

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