Bibliothèque de sciences criminelles - Tome 65 - Le discernement en droit pénal - 34

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LE DISCERNEMENT EN DROIT PÉNAL

capitale : l'identification du seul dommage réparable, entendu comme l'affaissement d'une croyance aux valeurs essentielles de la société : l'altération de la foi en
la loi pénale. C'est autrement dire que la commission de l'infraction prouve l'altération du discernement de son auteur. Cette définition éclaire les implications du
discernement en procédure pénale.
31. Le discernement en procédure pénale, composante du droit pénal. Si l'infraction constitue l'affaissement de la foi en la loi pénale, alors l'anéantissement
de cette souffrance doit passer par la restauration de cette croyance, y compris
chez l'individu qui a commis l'infraction. La condamnation de l'infraction assure
ce double office. À l'égard du condamné, la souffrance infligée a pour unique
objet de le rappeler à l'existence de la loi pénale, afin qu'il s'y conforme désormais. Celui qui a douté de son existence et a ainsi cru pouvoir s'en affranchir,
s'expose à tout le moins à un rappel à la loi. À l'égard des tiers, la condamnation
fournit la preuve irréfutable de l'existence de la loi pénale. La peine remplit ainsi
une fonction d'intimidation à l'égard de quiconque douterait de l'existence de lois
impératives. En résumé, le droit pénal, du latin directus poenalis qui signifie ligne
tendue vers la souffrance et l'expiation, procède vers l'application d'une souffrance
en même temps qu'il cherche à éloigner cette souffrance. La procédure pénale doit
fournir la preuve que la peine s'appliquera à celui qui connaissait l'existence de la
loi pénale et a néanmoins voulu s'en affranchir : elle est tout entière dédiée à la
découverte de l'altération du discernement. Par suite, ce discernement altéré doit
être restauré par l'application d'une souffrance exemplaire, dissuadant tant l'auteur de l'infraction que des tiers de violer la loi pénale.
32. La spécificité de la faute pénale justifie ainsi une délimitation franche du
droit pénal et du droit civil. Eu égard à spécificité du dommage que le droit pénal
entend prévenir, la responsabilité pénale se distingue nécessairement de la responsabilité civile79 où seule l'existence du préjudice importe80, si bien que le discernement de l'auteur du dommage n'y est pas exigé81. La sanction civile vise à réparer
un tort (physique, matériel ou moral), peu important qu'il résulte d'une infraction.
79. La responsabilité, du latin sponsor qui signifie « répondre de », a effectivement un sens totalement neutre qui autorise de la reconnaître y compris à l'encontre de celui qui n'est animé d'aucune
volonté coupable. Cf. J. HENRIOT, « Note sur la date et le sens du mot "responsabilité" », APD,
t. 22, La responsabilité, Sirey, 1977, p. 59.
80. Sur le fondement de l'article 1382 du Code civil qui pose une règle fondatrice de la responsabilité civile délictuelle. Sur la distinction du droit civil délictuel et du droit pénal, voir P. MALAURIE,
L. AYNES, P. STOFFEL-MUNCK, Les obligations, Defrénois, 5e éd., 2011, n° 41, et n° 54 et s. ;
F. TERRE, P. SIMLER et Y. LEQUETTE, Droit civil, les obligations, Précis Dalloz, 11e éd., 2013,
n° 696 et s. ; M. FABRE-MAGNAN, Droit des obligations, t. 2, PUF, 3e éd., 2013, p. 109, au sujet de
l'indifférence de la gravité de la faute en droit civil délictuel ; P. BRUN, Responsabilité civile-extracontractuelle, LexisNexis 3e éd., 2014 ; P. MALINVAUD, D. FENOUILLET, M. MEKKI, Droit des
obligations, LexisNexis 13e éd., 2014, n° 615. Voir également l'avant-projet Catala, qui propose des
solutions en accord avec les conditions traditionnelles de la responsabilité civile délictuelle, cf. art. 1343
(« est réparable tout préjudice certain consistant dans la lésion d'un intérêt licite, patrimonial ou extrapatrimonial, individuel ou collectif »), et art. 1347 de ce même avant-projet (« la responsabilité suppose
établi un lien de causalité entre le fait imputé au défendeur et le dommage »). Mais il entend surtout
préciser que le discernement n'est pas une condition de la faute civile délictuelle, ainsi que l'explique le
commentaire de l'article 1340 alinéa premier ainsi libellé : « tout fait illicite ou anormal ayant causé un
dommage à autrui oblige celui à qui il est imputable à le réparer ».
81. Au sujet de l' « imputabilité » qui ne serait plus exigée en matière civile délictuelle pour la
faute de l'aliéné ou de l'infans, cf. Ass. pl., 9 mai 1984, D. 1984, p. 525, concl. J. CABANNES, note
F. CHABAS ; JCP 1984, II, 20255, note N. DEJEAN de la BÂTIE ; ibid. 20256, note P. JOURDAIN ;
RTD civ. 1984, p. 508, obs. J. HUET ; JCP 1984, I, 3155 et JCP 1985, I, 3189, notes G. VINEY.
http://www.79.La http://www.81.Au
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