Bibliothèque de sciences criminelles - Tome 65 - Le discernement en droit pénal - 38

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LE DISCERNEMENT EN DROIT PÉNAL

l'être ? Tendue ou non tendue vers un résultat prévisible, la volonté sert de support
à la commission des fautes civile et pénale. La légèreté de cette volonté est-elle
soutenable ? Pour justifier la spécificité pénale, il est usuel de recourir au critère
sociologique du « résultat » vers lequel elle serait tendue : la « valeur sociale protégée »97. Mais cette solution de confort laisse poindre une contradiction : elle sousentend qu'avant la « dépénalisation » des fautes légères, il existait une « faute »
commune aux responsabilités civile et pénale, antérieurement à l'entrée en vigueur
de la loi n° 2000-647 du 10 juillet 2000 « tendant à préciser la définition des délits
non intentionnels » (loi Fauchon).
39. La séparation incertaine de la faute civile par rapport à la faute pénale. Le
problème de la séparation des fautes civile et pénale se répercute nécessairement
en droit civil. Une controverse a divisé - et divise semble-t-il encore98 - les auteurs
quant à l'interprétation de l'article 489-2 du Code civil. D'après une partie des
auteurs, la loi n° 68-5 du 3 janvier 196899, qui créait l'article 489-2 du Code civil,
aurait « objectivé » la faute civile, en lui ôtant la composante d'imputabilité qu'elle
contenait auparavant100, tandis que d'autres y devinaient un régime autonome101.
D'après cet article, « celui qui a causé un dommage à autrui alors qu'il était sous
l'empire d'un trouble mental n'en est pas moins obligé à réparation »102. La Cour de
cassation a indiqué qu'il n'y avait là aucune faute autonome par rapport au droit
légère n'est que l'expression d'une défaillance toujours possible et non point le signe d'une délinquance
avérée » sans s'expliquer sur la distinction de la faute d'imprudence simple avec cette « défaillance » ;
également E. DREYER, op. cit., n° 800, qui indique que « ces fautes sont de même nature ». P. CONTE,
Droit pénal spécial, Paris, LexisNexis 4e éd., 2013, n° 77 et 78, constate que la dépénalisation ne se
vérifie parfois pas en jurisprudence.
97. M. DECOCQ, Droit pénal général, op. cit., p. 171 ; Y. MAYAUD, Le mensonge en droit pénal,
éd. L'Hermès, 1979, n° 360, qui définit la méthode d'incrimination comme une séquence légale
menant au résultat redouté ; P. CONTE et P. MAISTRE du CHAMBON, op. cit., n° 314. B. BOULOC,
Droit pénal général, op. cit., n° 270 ; J.-H. ROBERT, op. cit., p. 225.
98. C. EDON-LAMBALLE, Conscience et responsabilité civile, thèse Le Mans, 1999,
n° 33 et s., et n° 202 et s., qui considère que la responsabilité de « l'inconscient » est une responsabilité spécifique ; comp. C. RADE, « Réflexions sur les fondements de la responsabilité civile »,
D. 1999, p. 313 et s. et p. 324 et s.
99. Loi n° 68-5 du 3 janvier 1968 « portant réforme du droit des incapables majeurs », JO du 4 janvier 2008, p. 114. L'article 1351-1 de l'avant-projet Catala évoque « les personnes privées de discernement » pour justifier leur droit à la réparation intégrale.
100. En faveur du rattachement au droit commun : G. VINEY, « Réflexions sur l'article 489-2
du Code civil », RTD civ. 1970, p. 251, et « La réparation des dommages causés sous l'empire d'un
état d'inconscience : un transfert nécessaire de la responsabilité vers l'assurance », JCP 1985, I,
3189 ; P. le TOURNEAU, « La responsabilité civile des personnes atteintes d'un trouble mental »,
JCP 1971, I, 2401.
101. R. SAVATIER, « Le risque pour l'homme de perdre ses esprits et ses conséquences en
droit civil », D. 1968, chr., p. 109 ; J.-J. BURST, « La réforme du droit des incapables majeurs et ses
conséquences sur le droit de la responsabilité civile extra-contractuelle », JCP 1970, I, 2307 ;
B. STARCK, H. ROLAND et L. BOYER, Droit civil, t. 1, n° 407, favorables à la substitution de la
faute par la théorie du risque, avec une nuance chez B. STARCK toutefois qui restreint cette proposition aux dommages accidentels.
102. Devenu art. 414-3 du Code civil, suite à la modification de la numérotation par la loi
n° 2007-308 du 5 mars 2007, JO du 7 mars 2007, p. 4215. Dans l'avant-projet Catala, au sujet du
mineur, il faut se référer aux articles 1350 (« la victime est privée de toute réparation lorsqu'elle a
recherché volontairement le dommage »), 1351 (« l'exonération partielle ne peut résulter que d'une faute
de la victime ayant concouru à la production du dommage. En cas d'atteinte à l'intégrité physique, seule
une faute grave peut entraîner l'exonération partielle ») et 1351-1 (« les exonérations prévues aux deux
articles précédents ne sont pas applicables aux personnes privées de discernement »).
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