Bibliothèque de sciences criminelles - Tome 65 - Le discernement en droit pénal - 71

LA CONSCIENCE INDIVIDUELLE, L'APPROCHE PSYCHOLOGIQUE DU DISCERNEMENT

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respecter67. La catéchèse juridique impose donc de ne favoriser aucune croyance
individuelle afin de les respecter toutes. La conviction religieuse d'un individu
est légitime dans le cadre privé mais ô combien néfaste dès lors qu'elle s'avance
sur la scène publique. Les préceptes de sa religion risqueraient nécessairement
d'entrer en conflit avec celle d'un autre. En conséquence, le droit pénal relègue les
croyances religieuses au rang de motif d'action insusceptible d'influencer la qualification d'une infraction.
98. L'indifférence du droit pénal aux mobiles religieux est apparue sporadiquement dans un premier temps. Le Code pénal de 1791, de même qu'à sa suite
celui de 1810, n'envisagent plus la répression de l'outrage à la divinité et marquent
la suppression définitive de l'infraction de blasphème. La loi du 20 avril 1825
(« loi du sacrilège ») qui punissait de mort « la profanation de vases sacrés et des
hosties consacrées » avec haine ou mépris de la religion est abolie par celle du
11 octobre 1830. À partir de cette date, les délits religieux disparaissent du droit
pénal, en dépit d'une tentative de résurrection dans la loi sur la presse de 1881 qui
souhaitait y insérer des délits d'opinion68. L'indifférence du droit à la morale religieuse est également posée à l'article 2 de la loi du 9 décembre 1905. Il dispose que
« la République ne reconnaît, ne salarie, ni ne subventionne aucun culte » et, d'après
son article 9, « la République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre
exercice des cultes sous les seules restrictions édictées dans l'ordre public »69. De
même, la loi du 29 juillet 1881 ne comportait aucune disposition relative à la protection de la liberté de conviction religieuse. Puis le décret-loi Marchandeau du
21 avril 1939, adopté dans un contexte d'émergence des idées aryennes en Allemagne, y fait référence mais la place au même rang d'importance que d'autres
facteurs individuels. Il réaffirme l'attachement de la France aux principes Républicains d'indifférence à l'origine, la race ou la religion d'autrui70.
99. L'indifférence du droit aux mobiles religieux devient générale avec la promulgation de la Constitution du 4 octobre 1958, dont l'article premier établit le
67. Art. 10 de la Déclaration préc. : « nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses,
pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la Loi ».
68. B. BEIGNIER, L'honneur et le droit, thèse Paris II, 1991, p. 366 ; voir également L. TEILLOT,
Religion et droit pénal, thèse Paris II, 2002, p. 58 ; et E. MICHELET, « Religion et droit pénal »,
Mélanges P. RAYNAUD, 1985, p. 475 et s. Sur les rapports de la religion et du droit pénal, voir également J. PRADEL, « La religion face au droit criminel », Mélanges A. CHAVANNE, Litec, 1990,
p. 149 et s. ; du même auteur, « L'appréhension du fait religieux par le juge pénal », Rev. pénit. 2009,
p. 83 et s. ; J. CONTE, « Les limites de la liberté d'expression face aux convictions religieuses dans la
jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme », Rev. pénit. 2012, p. 879 et s. ; Et pour la
distinction de la liberté de conscience et du prosélytisme intellectuel quant à lui prohibé, la thèse de
F. SAFI, Le prosélytisme en droit pénal, thèse Paris II, 2012 (à paraître chez LGDJ, 2014).
69. J. RIVERO, « La notion juridique de laïcité », D. 1949, chr. p. 137.
70. Son article premier modifie l'article 32 de la loi de 1881, libellé ainsi : « la diffamation commise par les mêmes moyens envers un groupe de personnes non désignées par l'article 31 de la présente
loi, mais qui appartiennent, par leur origine, à une race ou à une religion déterminée, sera punie d'un
emprisonnement (...) lorsqu'elle aura eu pour but d'exciter à la haine entre les citoyens et les habitants ». Cette disposition fut abrogée durant l'occupation par le décret du 27 août 1940. Il fallut
attendre la loi du 1er juillet 1972 relative à lutte contre le racisme, votée à l'unanimité par les deux
chambres du Parlement, pour qu'une modification du droit pénal de la presse intervienne. L'article 1er
de la loi de 1972 ajoute à l'article 24 de la loi de 1881 un cinquième alinéa qui institue l'infraction de
provocation à la haine raciale. L'appartenance ou non appartenance à une ethnie, une nation, une
race ou une religion y devient un mobile de l'action répréhensible (provocations commises « à raison
de... »), si bien qu'il devient indifférent que la victime appartienne effectivement au groupe identifié
(« appartenance ou non appartenance »)
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