Droit du paiement - Le paiement des dettes - 77

Cha p i t r e 2 - L a r é a l i s at i o n du p ai emen t
182 Recours du cessionnaire « premier en date » - Mais que se passe-t-il si le débiteur ne
paie pas le premier cessionnaire en date ?
L'article 1325 répond à cette interrogation en reconnaissant au cessionnaire « premier en
date » un recours contre celui qui a reçu paiement du débiteur. Alors que le texte ne le
précise pas, ce recours contre le cessionnaire accipiens ne doit pas supprimer, selon
nous, le recours dont dispose le cessionnaire contre le débiteur en cas de paiement
réalisé de mauvaise foi. Pratiquement donc, lorsque seule la seconde cession a été notifiée
au débiteur et qu'il paie ce second cessionnaire, son paiement est libératoire car il a
été fait de bonne foi. Le corollaire est que le cessionnaire premier en date ne peut agir en
paiement contre lui. En revanche, sur le fondement de l'article 1325 du Code civil, il
dispose d'un recours contre le cessionnaire accipiens afin d'obtenir restitution du
montant de sa créance. Différemment, lorsque les deux cessions ont été notifiées au
débiteur et qu'il paie le second acquéreur, ce paiement réalisé de mauvaise foi n'est pas
libératoire et le débiteur peut s'exposer à payer deux fois si le cessionnaire « premier en
date » le lui demande.
183 Approfondissements
Cette règle, qui donne la primeur au cessionnaire premier en date, est-elle applicable en cas
de cessions successives d'une créance future ?
Plusieurs auteurs répondent par l'affirmative à cette question et se positionnent en faveur
de la date de l'acte, y compris pour les créances futures. Tel est le cas de M. Gijsbers qui
écrit : « s'il est parfaitement normal de considérer que le cessionnaire d'une créance
future n'acquerra celle-ci qu'au jour de sa naissance, la cession ne lui en confère pas
moins, dès à présent, une vocation pleinement opposable aux tiers à recueillir cette
créance dans son patrimoine : il est, dès la date de l'acte, et à l'égard de tous ses concurrents
à venir, le nouveau titulaire de la créance à naître »230
.
La lecture des dispositions de l'article 1323 du Code civil impose, selon nous, d'être
moins catégorique. Effectivement, alors que pour les créances présentes, la date de
l'acte est celle retenue pour le transfert de la créance entre les parties (al. 1) et pour
leur opposabilité aux tiers (al. 2), une telle symétrie ne peut pas être relevée pour les
créances futures puisque, selon l'article 1323, alinéa 3 : « toutefois, le transfert d'une
créance future n'a lieu qu'au jour de sa naissance, tant entre les parties que vis-à-vis
des tiers ». Ce texte ne se réfère qu'à une seule date : la date de naissance des créances
futures, et ce, pour acter le transfert entre les parties et à l'égard des tiers.
De surcroît, l'introduction de cette disposition par le terme « toutefois » signifie que le
législateur a souhaité marquer une opposition avec les dispositions précédentes en instituant
des régimes propres à chaque type de créances, présentes ou futures.
Dans le sens de cette analyse, peut être cité l'Avant-projet d'ordonnance portant réforme
du droit des sûretés qui prévoit d'abroger l'alinéa 3 de l'article 1323 du Code civil afin
que les cessions de créances à titre de garantie, « même lorsqu'elles portent sur des
créances futures », prennent effet à la date de l'acte231
.
Or, depuis l'ordonnance du 15 septembre 2021 portant réforme du droit des sûretés232
,
la question est tranchée puisque, suivant en ce sens l'Avant-projet, le gouvernement a
décidé de supprimer l'alinéa 3 de l'article 1323 du Code civil.
(230) C. Gijsbers, « Le nouveau visage de la cession de créance », Dr. et patr. juill.-août 2016, p. 49 et s., spéc. p. 54.
V. égal. en ce sens, F. Chénedé, « La cession de créance », in Le nouveau régime général des obligations, (dir.)
V. Forti et L. Andreu, Dalloz, 2016, p. 87 et s., spéc. p. 95 - M. Julienne, Régime général des obligations,3e
LGDJ, 2020, nº 162, p. 121 et 122.
(232) Ord. no
éd.,
(231) L'idée étant d'assurer une cohérence entre la nouvelle cession de créance à titre de garantie, la cession Dailly et le
nantissement de créance. Avant-projet d'ordonnance portant réforme du droit des sûretés, rendu le 18 déc. 2020
(art. 1323).
prévue le 1er
2021-1192 du 15 sept. 2021 portant réforme du droit des sûretés (JO 16 sept. 2021), entrée en vigueur
janvier 2022.
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