Bibliothèque de droit des entreprises en difficulté - Tome 13 - La prévention des difficultés des entreprises dans l'AUPC révisé - 188

172

LA PRÉVENTION DES DIFFICULTÉS DES ENTREPRISES DANS L'AUPC RÉVISÉ

concordat est exclue par le législateur217. L'AUPC dispose en effet que la juridiction
compétente apprécie si les manquements du débiteur sont suffisamment graves pour
compromettre définitivement l'exécution du concordat. Dans le cas contraire, elle
peut accorder des délais de paiement qui ne sauraient excéder de plus de six mois ceux
déjà consentis par les créanciers218. Bien que cette notion soit éminemment subjective,
on peut considérer qu'une inexécution grave est celle qui empêche au créancier de
bénéficier de l'accord ; l'exécution tardive, déficiente ou partielle peut également être
assimilée à une inexécution. En outre, l'inexécution répétée d'une obligation à première vue d'importance relative, peut suffire à justifier la résolution. Le manquement
grave peut également être analysé au travers de ses conséquences pour le débiteur.
415. Le débiteur pourra toujours faire valoir devant le tribunal des motifs
d'exonération de sa responsabilité afin d'empêcher la résolution, surtout lorsque
l'exécution n'est pas définitivement compromise. Toutefois, le tribunal n'a pas à
rechercher de lui-même les causes du manquement dès lors que l'inexécution est
prouvée219, ni à s'enquérir des efforts fournis par le débiteur pour exécuter le
concordat. Par ailleurs, la loi n'exige pas que la situation à l'origine de l'inexécution ait été totalement imprévisible au jour de l'homologation. La liberté contractuelle reconnue aux parties peut également laissée penser que l'existence d'une
clause résolutoire de plein droit dans l'accord devra être prise en compte par le
tribunal dans l'appréciation de la demande en résolution qui se fonde sur une telle
clause. En effet, si la juridiction garde en l'espèce son pouvoir souverain d'appréciation, elle ne peut nier cette clause par laquelle les parties ont considéré que tel
ou tel manquement du débiteur devrait remettre en cause la suite de l'accord. De
toute évidence, il est préférable que le créancier ou le contrôleur qui veut introduire une action en résolution en avertisse préalablement le débiteur. Ce dernier
pourra éventuellement le devancer en introduisant une demande en modification
de l'accord lorsque les faits reprochés ne sont pas constitutifs d'un état de cessation des paiements et peuvent être « réparés ».
416. Il est important de signaler le rôle décisif que peuvent avoir les rapports
du syndic et du juge-commissaire dans la décision finale du tribunal. En effet, bien
qu'il ne leur soit toujours pas possible d'introduire une demande en résolution, le
syndic nommé et le juge-commissaire sont en principe bien informés du niveau de
réalisation des mesures concordataires. Avant la réforme, on a pu remarquer dans
quelques affaires que le ministère public déposait ses avis en cas d'action en résolution du concordat, sans doute à la demande du tribunal, dans la mesure où cette
démarche ne lui était pas spécifiquement reconnue. Ainsi, dans une affaire220, la
créancière qui avait introduit une action en résolution de l'accord homologué avait
tiré arguments des rapports du juge-commissaire et du syndic pour fonder sa
requête. En effet, dans un rapport du 16 mars 2007, le syndic s'inquiétait de la situation « désastreuse » de la débitrice, tandis que le juge suggérait dans son rapport
217. TRHC de Dakar, jugement n° 74 du 27 février 2004, Sté Carnaud Metal Box c/ S.N.C.D.S,
réf. Ohadata J-06-166.
218. AUPC révisé, art. 139 al. 1.1°). L'hypothèse dans laquelle la juridiction compétente accorde
un temps supplémentaire au débiteur pour payer ses dettes risque d'être rare en pratique à cause de
l'importante probabilité que le débiteur soit déjà en cessation des paiements.
219. Le Corre P.-M., Droit et pratique des procédures collectives (2015-2016), op. cit., n° 524.11,
p. 1234.
220. TGI de Bobo-Dioulasso, jugement n° 017 du 4 juin 2008, aff. Unilever Côte d'Ivoire S.A
c/ SOFACI, Voir Sawadogo F. M. et Niamba M., Manuel de formation des magistrats et assesseurs
des tribunaux de commerce du Burkina Faso, op. cit., cas n° 4, non paginé.

Table des matières de la publication Bibliothèque de droit des entreprises en difficulté - Tome 13 - La prévention des difficultés des entreprises dans l'AUPC révisé