Bibliothèque de droit des entreprises en difficulté - Tome 13 - La prévention des difficultés des entreprises dans l'AUPC révisé - 319

LE RENFORCEMENT DE LA SÉCURITÉ JUDICIAIRE

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ses moyens, une « justice sans juges » en raison de la façon dont ils exercent leur
office, des « tribunaux sans justiciables », ceux-ci s'abstenant de saisir des juridictions d'accès difficiles68 et dont ils se méfient69. Cette critique de la doctrine s'appuie
sur de nombreux rapports sur l'état de la justice en Afrique, tous aussi virulents les
uns que les autres. Un rapport d'évaluation du système judiciaire ivoirien sorti il y a
quelques années insistait sur le manque d'équipements et de moyens financiers et
matériels, l'inefficacité du personnel, la gravité de la corruption, la faible proportion
de la population ayant réellement accès à la justice, et les pressions d'ordre sociologique exercées sur les magistrats70. En bref, l'offre de justice africaine serait inadaptée, insuffisante et sans crédibilité pour répondre à la demande des justiciables. Face
à ce constat, paradoxalement, cette justice se voit de plus en plus confier un certain
de missions en rapport avec le développement économique des États.
693. Ainsi, la réforme du dispositif préventif de l'OHADA a eu pour conséquence l'accroissement des missions de certains organes71. Hormis cet accroissement de la charge de travail, la sanction du non-respect des délais de procédure
par la fin de plein droit de celles-ci constitue une source supplémentaire de pression pour les acteurs de la justice. Si le législateur a, à juste titre, voulu restaurer
une certaine célérité de traitement des procédures régies par l'AUPC, on peut
néanmoins se demander si les capacités institutionnelles dont disposent les instances judiciaires nationales ont été prises en compte au cours de la réforme72. Les
réalités judiciaires des États membres permettent-elles d'accroître l'efficacité des
procédures comme souhaité par le législateur ? La jurisprudence antérieure a par
exemple montré que les juges ont parfois manqué de diligence dans certaines
affaires. Un auteur rapporte par exemple qu'en pratique, les juges nommés en
tant que juges-commissaires dans les procédures préventives abandonnaient leurs
dossiers entre les mains des syndics qui disposaient alors de toute latitude pour
mener les procédures73. Mais cet état de fait ne se justifiait-il pas en partie par une
charge de travail trop importante74 ? Il serait dommage que la dernière réforme ne
crée en réalité plus de problèmes qu'elle n'en résout.
68. « Au Sénégal par exemple, le principe de la gratuité du service public de la justice ne correspond
pas à la réalité et la grande majorité de la population ne dispose pas des moyens financiers lui permettant
de faire face à des problèmes judiciaires dans un pays où le SMIG ne dépasse pas 40 000 francs CFA par
mois ». V. Du Bois De Gaudusson J., « La justice en Afrique : nouveaux défis, nouveaux acteurs »,
Afrique contemporaine, 2014/2, n° 250, p. 82.
69. Ibid., p. 14.
70. Ibid., p. 15.
71. Les greffiers ne sont pas en reste.
72. « La création d'un espace juridique et économique attractif implique nécessairement la dotation de
l'espace communautaire d'un système judiciaire fiable pour traiter le contentieux commercial ». Mbarga A.,
« Pour la généralisation des tribunaux de commerce dans la zone OHADA et l'adoption d'un Acte uniforme
portant organisation des juridictions et de la procédure commerciales », Penant, 2013, n° 882, p. 30.
73. Cette attitude avait pour conséquence de compromettre les intérêts de l'entreprise mais surtout
des créanciers à qui il était difficilement donné l'occasion de s'exprimer (notamment lorsque des contrôleurs
n'étaient pas désignés). Voir Wambo J., « Le nouveau visage des procédures collectives d'apurement du
passif depuis la réforme du 10 septembre 2015 à Abidjan », en ligne (www.wambojt.blogspot.fr).
74. Les greffiers également souffrent dans les grandes métropoles africaines d'une surcharge de
travail. Or, la doctrine est unanime sur le fait qu'ils jouent le rôle de cheville ouvrière du fonctionnement
des tribunaux. Ils sont responsables du respect et de l'authenticité de la procédure et secondent à ce
titre les magistrats dans l'administration du service public de la justice. Outre les tâches administratives
et judiciaires, ils remplissent un rôle essentiel en matière de publicité commerciale. Mbarga A., « Pour
la généralisation des tribunaux de commerce dans la zone OHADA et l'adoption d'un Acte uniforme
portant organisation des juridictions et de la procédure commerciales », Penant, 2013, n° 882, p. 49.

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