Bibliothèque de droit des entreprises en difficulté - Tome 13 - La prévention des difficultés des entreprises dans l'AUPC révisé - 83

L'OUVERTURE DE LA PROCÉDURE ET L'HOMOLOGATION DU CONCORDAT

débiteurs de contraindre leurs créanciers à souscrire aux mesures concordataires
qu'il proposait. Beaucoup de débiteurs privilégiaient malhonnêtement le remboursement de certains créanciers, faisant de cette prérogative un instrument de
spoliation et d'injustice. Enfin, la suspension des poursuites, parce qu'elle rompait la confidentialité des négociations, était de nature à fragiliser le processus de
redressement souhaité183.
150. Afin de renforcer le traitement égalitaire des créanciers, le législateur de
2015 a choisi de faire subir la rigueur de l'article 9 de l'AUPC à l'ensemble des
créanciers antérieurs du débiteur. Cette généralisation devrait permettre une meilleure protection du patrimoine du débiteur en difficulté. Elle devrait davantage
inciter ses créanciers à coopérer avec lui puisque désormais, qu'ils participent ou
pas aux négociations de l'accord, leurs droits individuels seront restreints. En
outre, elle renforce le caractère collectif de cette procédure et est de nature à
encourager davantage de débiteurs à la solliciter vu que la protection qui leur est
conférée à l'ouverture de la procédure est plus significative. En effet, la généralisation de cette mesure devrait éviter que certains créanciers ne poursuivent en
paiement le débiteur, de peur qu'il ne soit plus capable d'honorer ses engagements
à cause des difficultés dont l'existence a été rendue publique. Ce choix du législateur fera sans doute couler beaucoup d'encre mais l'état actuel de la sphère économique africaine ne lui permet pas de laisser le débiteur sans protection face à
ses créanciers184. La fin de la discrimination juridique entre créanciers antérieurs
est véritablement à saluer185, surtout que le nouvel encadrement de la durée du
règlement préventif ne laisse les créanciers qu'un court temps sans recours186.
151. Il n'est pas inutile de rappeler que la suspension des poursuites est
consécutive à l'ouverture du règlement préventif et non simplement à l'apparition
de difficultés dans l'entreprise. La jurisprudence en la matière est constante et
ancienne, elle ne changera pas avec la révision. Le tribunal de grande instance de
Ouagadougou avait par exemple eu l'occasion de préciser dans une affaire
183. Diallo B., « Chronique OHADA. Arrêt n° 53 du 1er avril 2005, Sté D.L.H. Nordisk
c/ H.B.E », op. cit., p. 372. Pour cet auteur, la systématisation de la suspension des poursuites pendant
la phase de préparation du règlement préventif n'était pas l'instrument le plus adapté pour favoriser
son aboutissement car elle était de nature à permettre au débiteur d'organiser son insolvabilité. Il
proposait la désignation préalable d'un expert qui aurait été chargé de faire, au besoin, la demande de
suspension.
184. Pour le professeur Sawadogo, ce changement apparemment important aura une portée
limitée du fait que la plupart des débiteurs avaient tendance à inscrire toutes leurs créances dans la
requête en règlement préventif. Issa-Sayegh J., Pougoue P.-G. et Sawadogo F. M., (coord.), OHADA,
Traité et actes uniformes commentés et annotés, éd. 2015, 2016, Juriscope, p. 1169.
185. V. Delabriere A., « L'article 11 de l'Acte uniforme sur les procédures collectives : outil de
sauvegarde ou de discrimination ? », Penant, 2010, n° 870, p. 53 et s. Pour cet auteur, l'ouverture de la
procédure préventive créait une inégalité entre les créanciers puisque certains se voyaient dans un
premier temps privés de leur faculté de poursuivre l'entreprise, et dans un second temps, opposés les
effets du concordat alors que d'autres créanciers pouvaient bénéficier d'un traitement plus favorable
au bon vouloir du dirigeant.
186. Le professeur Sawadogo considère déjà cette réforme comme mitigée dans sa portée
pratique. Pour lui, il aurait été de bonne pratique d'autoriser les paiements qui n'accroissent pas la
gêne du débiteur, en l'occurrence le paiement des petites créances afin de clarifier la situation du
passif. Issa-Sayegh J., Pougoue P.-G. et Sawadogo F. M. (coord.), OHADA, Traité et actes uniformes
commentés et annotés, op. cit., p. 1115. Sur l'absence de voies de contournement pour les débiteurs
lorsque les experts ne déposaient pas leurs rapports à temps, voir Ndongo C., « Les conséquences de
l'inertie de l'expert au règlement préventif, CCJA, 1re ch., 30 mars 2017, n° 55/2017, SAFCA c/ M.D. »,
L'Essentiel Droits africains des affaires, 2017, n° 7, p. 3.

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