Bibliothèque de droit des entreprises en difficulté - Tome 13 - La prévention des difficultés des entreprises dans l'AUPC révisé - 89

L'OUVERTURE DE LA PROCÉDURE ET L'HOMOLOGATION DU CONCORDAT

166. Enfin, les créances salariales demeurent indifférentes à l'ouverture de la
procédure conformément à l'article 9 al. 3 de l'AUPC révisé206. En effet, à cause
de leur caractère alimentaire, elles bénéficient d'un régime particulier destiné à en
garantir le paiement. Il s'agit pour le législateur d'assurer au salarié les revenus
dont il a besoin pour couvrir ses besoins primaires. En outre, si grâce à sa prestation de travail le salarié a contribué à l'enrichissement du patrimoine de l'employeur, il n'est pas appelé à supporter les risques liés à l'exploitation. Le législateur de 2015 a expressément fait savoir que les créances d'aliments bénéficiaient
également de ce régime de faveur. Dans le commentaire d'une ordonnance rendue
par le tribunal de première instance de Nkongsamba, le professeur Kalieu Elongo
avait eu l'occasion de saluer le respect de cette exception à la règle de la suspension des poursuites par les juges camerounais207. Dans cette affaire, la société
Lachanas, ancien employeur, demandait que soit ordonnée la nullité des commandements d'avoir à payer à ses anciens salariés certaines sommes en principal
et frais de recouvrement, en exécution des grosses des procès-verbaux de conciliation dressés par l'inspecteur départemental du travail.
167. À l'appui de sa demande, la débitrice faisait valoir l'ouverture à son
profit d'une procédure de règlement préventif ayant entraîné la suspension des
poursuites individuelles à son encontre. Elle sollicitait par ailleurs que lui soit
accordé un délai de grâce à cause des nombreuses difficultés rendant le paiement
de ses créances difficiles. En revanche, aux dires des anciens salariés, les grosses de
procès-verbaux étaient devenues des titres exécutoires qui matérialisaient des
créances salariales et leurs accessoires. En tout état de cause, que l'ouverture de la
procédure ait eu lieu avant ou après le 9 mai 2007, date à laquelle avaient été servis
à la société Lachanas les commandements de payer, ledit événement était sans
conséquence sur son obligation de payer les salaires dus208. Sur le fondement des
articles 9 de l'AUPC et 39 de l'AUPSRVE209, les juges avaient rappelé que la suspension des poursuites ne s'appliquait pas aux créanciers salariaux et que la
demande d'octroi d'un délai de grâce pour le paiement de ce type de créances ne
pouvait prospérer.
168. Le législateur est resté muet concernant le sort des actions en résolution
pour inexécution d'une obligation non pécuniaire, une obligation de faire par
exemple. Quoique les décisions de justice ayant abordé cette question soient rares
voire inexistantes, l'ouverture du règlement préventif ne devrait pas empêcher la
poursuite ou l'introduction d'une action en résolution qui trouve sa raison d'être
206. Pour une application de l'article 9 (3) de l'ancien AUPC, v. CA d'Abidjan, arrêt n° 89 du
16 janvier 2001, Sté World City c/ Grodji Djokouchi Jean, réf. Ohadata J-02-82.
207. TPI de Nkongsamba, ord. n° 10/CE du 31 octobre 2007, Sté Lachanas Frères Transports
SA. c/ MM. Mofor John et autres, notes Kalieu Elongo Y. réf. Ohadata-J-09-245. V. également CA
d'Abidjan, jugement n° 89 du 16 janvier 2001, Sté World City c/ Grodji Djokouchi Jean, réf. Ohadata
J-02-80.
208. Cependant, les juges ivoiriens ont pu prononcer la nullité des saisies-ventes pratiquées non
pas uniquement sur la base de créances purement salariales, mais en quasi-totalité sur des
condamnations au paiement de dommages et intérêts qui ne sont toujours pas exclues du champ de
suspension ou d'interdiction des poursuites individuelles. TPI de Bouaké, jugement n° 138 du 18 mai
2005, aff. Sté UTEXI c/ Kamenan Kouame et 14 autres, réf. Ohadata J-09-207.
209. Cet article dispose que « Le débiteur ne peut forcer le créancier à recevoir en partie le paiement
d'une dette, même divisible. Toutefois, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des
besoins du créancier, la juridiction compétente peut, sauf pour les dettes d'aliments et les dettes
cambiaires, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues dans la limite d'une année (...) ».

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