Bibliothèque de droit des entreprises en difficulté - Le traitement judiciaire des entreprises en difficulté - Tome 14 - 217

LA DÉNATURATION DE L'OFFICE DU JUGE

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économique. Son raisonnement est conséquentialiste334 Cela bouleverse encore sa
méthode juridictionnelle335, l'instrumentalise, incluant des finalités économiques
pour une décision optimale.
268. Impact sur la décision judiciaire. Considérant le pouvoir discrétionnaire du juge et potentiellement arbitraire336, le jugement relatif à l'entreprise en
difficulté n'apparaît pas être de pur droit, mais empreint d'opportunité337. Celle-ci
se traduit par une certaine adaptabilité de la loi338 par le juge339 pour un traitement
efficace. Ce n'est que la conséquence des constatations précédentes : d'un droit
qualifié d'économique, ce dernier a vocation à appréhender le fait économique
pour définir une solution d'avenir, le législateur reportant sur l'autorité judiciaire
le soin de déterminer l'application concrète de la règle de droit, ce qui, inévitablement340, consacre un pouvoir judiciaire d'opportunité341.
269. Critique. La fonction originelle de dire le droit apparaît dénaturée342.
L'indétermination de la règle de droit conduit le juge à modifier son raisonnement en recherchant non seulement ce qui est juste343, mais aussi, ce qui est économiquement efficace344. Or, cela est contestable essentiellement pour deux
334. Il « part de l'analyse des conséquences pour en inférer la meilleure règle », Sibony (A.-L.), Le
juge et le raisonnement économique en droit de la concurrence, th. précit., sp. n° 19.
335. Turlutte (E.), th. précit., sp. n° 707 ; également, Frison-Roche (M.-A.), « L'idée même de
mesurer économique du droit », in Mesurer l'efficacité économique du droit, loc. cit., sp. p. 24 et « Brèves
observations comparatives sur la considération des situations économiques dans la jurisprudence
administrative, mise en regard de la jurisprudence judiciaire », in Y. Chaput (dir.), Le droit au défi de
l'économie, op. cit., p. 45-60, sp. p. 46 ; Sibony (A.-L.), th. précit., sp. n° 23.
336. Lorsque l'hypothèse est trop vague, Théron (J.), th. précit., sp. n° 119, mais pour une nuance,
v. n° 139.
337. Sur ce constat, Berliner  (H.), th. précit., sp.  p.  9 ; Cabrillac  (M.), « Le rôle du Juge en
présence des problèmes économiques (...) », op. cit., sp. p. 153 ; Champaud (C.), L'idée d'une magistrature
économique  (...), op.  cit., sp.  p.  75 ; Jacquemin  (A.), Schrans  (G.), « Éléments structurels d'une
magistrature économique », op. cit., sp. p. 428 ; Jazottes (G.) et al., « La juridiction commerciale : d'un
juge du commerce à un juge de l'économie (approche comparatiste) », in C. Saint-Alary-Houin (dir.),
Qu'en est-il du Code de commerce 200 ans après ? État des lieux et projections, Actes du colloque, LGDJ,
2009, p. 329-337, sp. p. 330 ; Mélédo-Briand (D.), th. précit., sp. n° 606 ; Mercadal (B.), Gulphe (P.),
« Magistrature et droit des affaires », op.  cit., sp.  p.  1047 ; Neuville  (S.), th. précit., sp.  n°  127 ;
Teynier (E.), La règle de droit de la faillite et le sort économique des entreprises défaillantes, RTD com.,
1985, p. 57 s. ; Théron (J.), th. précit., sp. n° 126 s. ; Staes (O.), th. précit., sp. n° 16.
Contra, Cagnoli (P.), th. précit., sp. n° 269, mais, pour une nuance, v. sp. n° 266, 283 et 381 ; il est
possible de relativiser l'opposition en doctrine en affirmant une part d'opportunité dans la décision
judiciaire, mais sans exclure un fondement en droit ; il s'agit davantage de souligner une déformation du
raisonnement judiciaire par l'adaptabilité de la règle de droit.
338. Pouvant, au besoin, « faire jouer l'esprit de la loi contre sa lettre », Berliner (H.), th. précit.,
sp. p. 83.
339. Sur ce sujet, v. Lafay (F.), La modulation du droit par le juge, (...), th. précit., sp. n° 36 s.
340. Staes (O.), th. précit., sp. n° 127.
341. Ibid.
342. Contra, mais dont l'opposition peut être nuancée, car est admis un pouvoir d'opportunité du
juge, Staes (O.), th. précit., sp. n° 136 ; contra, réfutant un tel pouvoir, mais admettant la particulière
souplesse des règles dont le parti pris du législateur change la nature de la mission du juge, Cagnoli (P.),
th. précit., sp. n° 381.
343. Correspondant à la fonction de dire le droit, Théron  (J.), th. précit., sp.  n°  132 et  136 ;
conséquence de l'emploi de standards dans la loi, Géniaut  (B.), « La force normative des standards
juridiques, Éléments pour une approche pragmatique », in La force normative, op.  cit., p.  183-197,
sp. p. 183, quoique cela constitue déjà une première altération de la fonction dire le droit puisque la règle
de droit est censée prédéterminer le sens du juste, Géniaut (B.), ibid., sp. p. 192.
344. En droit des entreprises en difficulté, « la solution juste est la solution efficace », Berliner (H.),
th. précit., sp. 167.
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