Bibliothèque de droit international et droit de l'Union européenne - Tome 134 - L'interprétation des conventions américaine et européenne des droits de l'homme - 411

LES PRINCIPES RELATIFS AUX FONDEMENTS DES DROITS

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CEDH298, fait aussi l'objet de lectures différentes en fonction de la philosophie
des droits de l'homme à laquelle le juge se rattache. Celle-ci est particulièrement
visible lorsqu'on étudie les deux volets qu'il recouvre, à savoir la prise en compte
de l'égalité substantielle (1) et la question de la reconnaissance de droits à certains groupes (2).
1. Une prise en compte différenciée de l'égalité substantielle
840. Comme nous l'avons mentionné, le passage de la liberté à la dignité
entendu comme fondement des droits a pour conséquence de mettre davantage
l'accent sur un autre concept : l'égalité réelle, dite encore substantielle, qui doit
alors être promue. En consacrant la dignité humaine, les deux Cours entendent
- explicitement ou non - toutes deux la prendre en compte (a). La Cour interaméricaine va cependant plus loin, puisqu'elle accepte d'en faire découler la reconnaissance des discriminations positives (b).
a) Une prise en compte différenciée de l'égalité substantielle
841. L'appréhension du principe d'égalité a fait l'objet d'évolutions au sein
de la conception libérale de l'État. Celle visée par les déclarations occidentales
était à l'origine l'égalité de droit, l'égalité devant la loi. La nécessité de prendre
en compte l'égalité substantielle a néanmoins été relevée dans les États se rattachant à cette philosophie et ce principe est progressivement entendu de façon à
ce que les différences ne soient pas méconnues. Il est alors admis que « l'égalité
devant la loi n'entraîne [...] pas, en elle-même, l'uniformité de la législation »299.
L'évolution des termes employés - non-discrimination plutôt qu'égalité -
reflète cette vision renouvelée dudit principe300. Elle se rapproche alors de la phicommunauté se trouve « marginalisée dans la jouissance de ses droits », Cour IDH, Comunidad Indígena
Xákmok Kásek. c. Paraguay, loc. cit., § 274. Elle est, dès lors, dans un état de « discrimination de facto »,
d'où une violation de l'article  1.1. Mais ce n'est que parce que d'autres droits ont été violés qu'elle
aboutit à cette conclusion. Il ne s'agit donc pas d'une autonomisation totale de cette disposition, même
si cette démarche l'annonce peut-être. Sur ce point, voir A. E. Dulitzky, « El Principio de Igualdad y
No Discriminación. Claroscuros de la Jurisprudencia Interamericana », Anuario de Derechos Humanos,
n° 3, 2007, pp. 15-32 ; D. Shelton, « Prohibición de Discriminación en el Derecho Internacional de los
Derechos Humanos », Anuario de Derechos Humanos, n° 4, 2008, pp. 15-39. Voir également L. Hennebel,
La Convention américaine des droits de l'Homme, op. cit., pp. 358-359.
298. Selon cette disposition, « la jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention
doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la
religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une
minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ». Il est néanmoins rattaché à la
Convention, en tant que telle, qui protège par le biais de l'article 14 la règle selon laquelle la jouissance
les droits et libertés garantis par la Convention doit être assurée sans discrimination. Cette disposition a
alors une vocation complémentaire vis-à-vis des autres dispositions et renforce leur protection : « tout se
passe comme si ce dernier faisait partie intégrante de chacun des articles consacrant des droits ou libertés »,
Cour EDH, affaire linguistique belge, loc. cit., § 9. Mais la Cour lui donne une portée qui va au-delà,
puisqu'elle considère que « l'interdiction de la discrimination [...] s'applique également aux droits
additionnels, relevant du champ d'application général de tout article de la Convention, que l'État a
volontairement décidé de protéger », Cour EDH, Stec et autre c. Royaume-Uni, loc. cit., § 40. Pour une
analyse approfondie de ce principe, se référer à F. Sudre et H. Surrel (dir.), Le droit à la nondiscrimination au sens de la Convention européenne des droits de l'homme, Bruylant, Bruxelles, 2008.
299. Y. Attal-Galy, Droits de l'homme..., op.  cit., p.  255. En effet, « le principe d'égalité ne
produit ses effets qu'envers des individus placés dans des situations de droit ou de fait strictement
identiques », ibidem.
300. Se reporter, au sujet des aménagements et inflexions du principe d'égalité, puis du passage
de l'égalité à la non-discrimination, que ce soit en droit français ou en droit états-unien, aux
considérations de Yaël Attal-Galy, Droits de l'homme..., op. cit., pp. 251-277.
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