Bibliothèque de droit international et droit de l'Union européenne - Tome 134 - L'interprétation des conventions américaine et européenne des droits de l'homme - 459

LES PRINCIPES D'ORGANISATION DE LA SOCIÉTÉ DÉMOCRATIQUE

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« constate le droit et rétablit l'ordre perturbé par l'illégalité ou l'agissement dommageable »285, c'est à lui que revient la tâche de préserver la cohérence et l'intégrité de
l'ordre juridique. Ce rôle fondamental serait en revanche illusoire si les justiciables
n'avaient pas accès au juge pour lui signifier l'existence d'une telle illégalité ou d'un
tel acte dommageable. C'est pourquoi les Cours reconnaissent, via l'utilisation du
principe de respect de l'État de droit, l'importance de l'accès au juge (A). Elle aboutit en outre à une relecture de la séparation des pouvoirs en faveur du Judiciaire (B).
A. L'IMPORTANCE DE L'ACCÈS AU JUGE
935. Lorsque les Cours appliquent le principe de respect de l'État de droit,
elles attribuent une importance particulière à l'accès au juge, ce dernier étant
considéré comme le garant de l'ordre juridique. La lecture de la jurisprudence
européenne démontre cependant que cette importance peut être relativisée (1) au
regard notamment de celle reconnue par le juge interaméricain (2).
1. Une importance relative reconnue par le juge européen
936. La Cour européenne se prononce sur la question de l'accès à un Tribunal dès son arrêt Golder c. Royaume-Uni. L'article 6§ 1 est en effet équivoque, sa
formulation pouvant suggérer que le droit à un procès équitable n'est protégé que
dans le cadre d'une instance déjà en cours286. La Cour considère à l'inverse qu'il
reconnaît un droit d'accès aux tribunaux à toute personne qui désire introduire
une action relative à ses droits et obligations à caractère civil et considère que le
droit d'accès est dès lors un élément inhérent à l'article 6§ 1287. Pour ce faire, elle
s'appuie sur la prééminence du droit, principe qu'elle dégage à cette occasion288,
en affirmant qu'« en matière civile la prééminence du droit ne se conçoit guère sans
la possibilité d'accéder aux tribunaux »289. En effet, la suppression de la compétence juridictionnelle concernant « le règlement de certaines catégories de différends de caractère civil [au profit d'] organes dépendant du gouvernement » est l'une
des « hypothèses inséparables d'un risque d'arbitraire »290. Le recours au juge est
dès lors considéré comme fondamental pour lutter contre l'arbitraire.
937. Elle interprète par conséquent de manière très extensive les notions qui
conditionnent le droit d'accès à un tribunal. L'affaire Engel c. Pays-Bas en atteste
pleinement. Il s'agissait en l'espèce de l'interprétation de l'expression « matière
285. Idem, p. 270.
286. D'après l'article 6§ 1, en effet, « toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue
équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi
par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bienfondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle ».
287. Cour EDH, Golder c. Royaume-Uni, loc. cit., § 36.
288. Soulignant que la référence à la prééminence du droit dans le préambule de la Convention ne
peut être considérée comme « un simple "rappel plus ou moins rhétorique", dépourvu d'intérêt pour
l'interprète de la Convention », elle rappelle que « les gouvernements signataires ont décidé de "prendre les
premières mesures propres à assurer la garantie collective de certains des droits énoncés dans la Déclaration
Universelle", [...] en raison notamment de leur attachement sincère à la prééminence du droit » et que « le
Statut du Conseil de l'Europe, organisation dont est membre chacun des États parties [...] se réfère à deux
reprises à la prééminence du droit ». Elle en déduit, dès lors, qu'« il paraît à la fois naturel et conforme au
principe de la bonne foi [...] d'avoir égard à ce motif, hautement proclamé, en interprétant les termes de
l'article 6 par. 1 [...] dans leur contexte et à la lumière de l'objet et du but de la Convention », idem, § 34.
289. Ibidem.
290. Idem, § 35.

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