Hors collection - Droit(s) et Street Art - 154

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LES MURS S'ÉCROULENT, LES IMAGES RESTENT !

Certes, les plaques en gélatino-bromure d'argent ont limité au sépia et
au brun bon nombre de photographes du xixe siècle. Les pellicules en noir
et blanc ont, il est vrai, très vite atteint la qualité de niveaux de gris incomparables (Ilford est connu pour cela). Les émulsions en couleur ont, c'est
juste, longtemps eu tendance à donner du gros-grain. Le rendu final du cyan,
du jaune et du magenta a durablement, on ne peut le nier, laissé à désirer.
J'ai classé volontairement tous les photographes de rue que je viens
de vous énumérer par date de naissance. Mon idée est qu'il s'agit moins
d'une question technique que d'un choix esthétique. Les émulsionneurs
Fujifilm et Kodak ont en effet assez vite proposé des pellicules couleur
sensibles, respectueuses des tons d'origine, stables dans le temps, et permettant un bon « piqué ». Saul Leiter (1923-2013) a été un des pionniers de la
photographie couleur, et il est né avant Bruce Davidson, Lee Friedlander,
Daidō Moriyama ou Mark Cohen qui, eux, ont volontairement marqué
une distance respectueuse envers la couleur, voire lui ont témoigné le plus
parfait mépris.
S'il y a donc un choix radical esthétique à repérer chez Henry Chalfant,
qui le démarque de la plupart de ses collègues, c'est d'avoir compris qu'une
photographie urbaine du street art n'a de sens que si le rouge, l'orange, le
jaune, le vert, le bleu, l'indigo et le violet explosent dans nos yeux. Vous
noterez que je ne vous montre aucune image et que je n'ai pas préparé de
PowerPoint. C'est volontaire. Je veux vous faire sentir ce qu'aurait donné
toute l'histoire de l'art du graffiti à New York dans les années 1970 et 1980
sans Herny Chalfant et Martha Cooper.
En 1859, le premier tube à fermeture étanche, avec un bouchon à pas de
vis, a permis aux peintres de sortir de l'atelier pour peindre en plein air.
Les paysagistes, dont l'école de Barbizon (Jean-Baptiste Camille Corot,
Charles-François Daubigny, Jean-François Millet et Théodore Rousseau)
aussi bien que les peintres réalistes comme Gustave Courbet ont su saisir
cette formidable invention. Bien qu'anecdotique, elle est cependant l'une
des conditions de la modernité en peinture.
De même, plusieurs progrès techniques ont permis aux photographes
urbains d'aller toujours plus facilement « sur le terrain ». Par exemple, les
boîtiers en matériaux composites ont été de plus en plus légers et maniables,
pour le plus grand bonheur des chiens de guerre de la photographie, des
baroudeurs de l'image, des safaristes du cliché : avant la Seconde Guerre
mondiale, je peux lister (dans l'ordre chronologique de leur diffusion sur
le marché) les Brownie4, les Leica, les Rolleiflex, les Minox. Après celle-ci,
les Polaroïd, les Nikon et les Hasseblad.
4. Produits par Kodak.

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